Note de lecture : Sooner Safer Happier, par Jonathan Smart

Note : 8 ; Passionnant et frustrant tout à la fois.

Jonathan Smart nous propose sa vue à 360° de la pensée Lean / Agile sur le développement de produit. Sa boussole est dans le titre : il faut délivrer plus tôt, de manière plus sécurisée en cultivant la joie (OK ma formulation n’est pas très heureuse. En fait l’auteur nous assène cette phrase jusqu’à la nausée (et en gras dans le texte pour faire bonne mesure) et au-delà. Et cela lui coûte 1 point d’un livre par ailleurs excellent, comme nous allons le voir.

L’ouvrage compte près de 400 pages pour 9 chapitres, ou plutôt 10 car il me faut y ajouter le chapitre 0 ! Le corps du texte est composé des chapitres 1 à 8 qui sont autant de thèmes où sont développés des anti-patterns puis des patterns. Revenons au chapitre 0 « how we get here », qui nous dispense un peu de perspective sur l’agile, le Lean et le devops en se focalisant sur leur raison d’être. C’est une introduction classique mais réellement bien faite.

Le chapitre 1 est consacré à « l’outcome ». C’est surtout pour l’auteur l’occasion de développer ce fameux « business value sooner, safer & happier ». Les anti-patterns présentent peu d’intérêt et le pattern se résume assez bien par le « focus on why, empower the how ». Un chapitre qui est surtout une déclaration d’intention. Le second chapitre « achieve big through small » attaque un thème qui m’est cher : découper un (gros) problème en petits morceaux. Il s’attaque également au super-gorille à la mode : l’agilité à l’échelle… en proposant le dé-scaling. Quand on y rajoute la « règle du 1 », j’ai l’impression de retrouver mes recettes personnelles !

On retrouve le combat contre l’agilité « à taille unique » au chapitre 3. Le propos y a moins de force et j’y retiens surtout les 3 types culturels de Westrum, mais la référence au « Shu Ha Ri » me plait aussi, bien sûr. Le chapitre 4 est dédié au leadership. Je classerais le propos dans les modernes / classiques. Si l’auteur centre bien le sujet sur la complexité, la posture promue reste celle du « servant leader », alors que nous sommes plutôt dans l’ère du leader créateur de leaders ou du host leader. Cela reste toutefois un bon chapitre.

Si le titre du chapitre 5 « construire les bonnes choses » est plutôt abscons, le contenu va retenir notre attention. Tout d’abord en abordant avec pertinence les value stream mapping, sujet souvent abstrait pour ne pas dire mal compris, puis la question du portefeuille, dans la continuité. Ensuite en promulguant le « triumvirat des rôles » à chaque niveau de l’organisation. L’idée peut être critiquable, mais elle se défend. On pourrait s’en doute, le chapitre 6 évoque le « bien construire les choses ». L’auteur y développe le concept de « safety team » qui peine à se démarquer de la désormais traditionnelle équipe pluridisciplinaire. Il est aussi question d’aligner l’équipe sur des values streams, un sujet mieux développer dans Team Topologies. Un chapitre honorable malgré tout.

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Note de lecture : Value Stream Mapping, par Karen Martin & Mike Osterling

Note : 7 ; La démarche Value Stream clairement expliquée et décomposée, et un peu moins clairement illustrée.

Le Value Stream Mapping, ou VSM, est un sujet souvent évoqué dans la communauté agile qui veut s’habiller de Lean. Mais il est souvent peu compris, et plus souvent encore pas compris du tout. Dans le meilleur des cas, il est réduit à la timeline montrant les temps de production et les temps d’attente.

Mais qu’est réellement le VSM ? Comment détermine-t-on les VSM d’une organisation ? Comment modélise-t-on ces VSM et par quelle démarche ? Enfin, comment utilise-t-on cette approche pour enclencher une logique d’amélioration continue et d’expérimentation qui est la marque d’un processus Lean ? Ce sont à ces nombreuses questions que répond le présent ouvrage, et ce n’est pas rien !

La partie principale du texte est relativement courte, avec environ 150 pages, mais il faut y rajouter les 35 pages des annexes. Le sujet est couvert en 6 chapitres. Le premier d’entre-eux « value stream management » n’est guère évocatif de par son titre, mais comme on peut s’en douter, ses 26 pages ont un caractère introductif. Il s’agit ici d’expliquer la structure du VSM (vue macro et vue micro) et son focus sur le client. Un accent particulier est mis sur le caractère cross-fonctionnel des VSM, à l’inverse des vues processus qui restent localisés à une fonction, indépendamment du focus client.

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Note de lecture : Team Topologies, par Matthew Skelton & Manuel Pais

Note : 9 ; Un framework résolument Lean et pragmatique pour repenser l’organisation IT du 21ème siècle à la lumière de la loi de Conway. Book of the year 2020 !

Existe-t-il des règles ou des guides pour structurer une organisation en équipes selon des principes agiles ? On ne manque certes pas de textes qui, en cherchant à investir le domaine de l’organisation nous abreuvent de principes aussi flous que péremptoires. Mais dès qu’il s’agit d’entrer dans le concret, il n’y a plus rien, si ce n’est la « loi de Conway » qui accuse maintenant plus de 53 ans ! C’est bien à ce sujet que s’attaquent les auteurs. Ils s’appuient justement sur la loi de Conway pour développer le modèle qu’ils proposent et développent dans ces pages.

L’ouvrage n’est guère imposant avec son moyen format et ses 185 pages toutefois imprimées en couleur ! La lecture est rythmée par 9 chapitres rassemblés en 3 parties. Mais n’oubliez pas de lire d’abord la préface qui vous livre le modèle « team topologies ». La première pépite est ici. La première partie, elle, couvre une soixantaine de pages sur 3 chapitres et annonce la couleur en s’intitulant « l’équipe comme moyen de livrer ». Le premier chapitre serait plutôt une chasse aux anti-patterns, ou plus exactement aux organigrammes organisationnels : Ils ne prennent pas en compte les lignes de communication et sont un obstacle au flux.

Le second chapitre est consacré à la loi de Conway, ou plutôt à ce qu’il coutume d’appeler « la manœuvre Conway inversée », où comment organiser ses équipes en fonction de l’architecture que l’on souhaite. Et dans le cas présent, il est beaucoup question de microservices et d’équipes « orientées flux » qui sont la pierre angulaire de l’approche. Le chapitre n’est pas simple à suivre et cela va encore se complexifier au chapitre 3. C’est l’équipe, au singulier, qui est l’objet du chapitre. Le focus est très clair ici : favoriser la formation d’équipes dans la durée en limitant leur taille en se conformant au « nombre de Dunbar ». Mais il s’agit alors de limiter le nombre de domaines (et surtout de domaines complexes à confier à l’équipe.

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Note de lecture : Accelerate, par Nicole Forsgren, Jez Humble & Gene Kim

Note : 6 ; Une étude approfondie sur ce qui marche ou ne marche pas mais délivrée de façon un peu austère

Ce livre a été très chaudement recommandé par Martin Fowler comme étant le « livre de l’année ». J’ai du mal à être d’accord avec lui pour des raisons sur lesquelles je reviendrais. Accelerate reprend et développe les conclusions de 4 années de sondage du « state of the DevOps ». La première partie du texte reprend les observations faites et cherche à les expliquer, mais uniquement en s’appuyant sur les informations collectées, sans formuler d’extrapolations. 2 deux autres parties sont consacrée aux éléments de recherche d’une part et au « comment » de la transformation.

La première partie est celle qui est la plus riche d’enseignements sur ce qui marche et ce qui ne marche pas, elle s’empare logiquement de 115 des 200 pages du texte (hors annexes). Ce sont 11 chapitres qui forment cette première partie. Je passe sur le premier chapitre essentiellement introductif pour aborder le second, « performance », où les auteurs introduisent leurs critères d’une organisation performante. Ils se focalisent essentiellement sur une définition « Lean » du terme et en se référant à la Wardley Mapping Method.

Le 3ème chapitre, « measuring and changing culture » nous introduit au Westrum Organisational Culture. Selon ce modèle, les organisations les plus performantes ont les flux les plus efficaces. On en revient au Lean.

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Note de lecture : Le Management Lean, par Michael Ballé & Godefroy Beauvallet

Note : 6 ; Kaizen sur le « system lean » centré sur le Lean en production

La culture et le système Lean sont des aspects particulièrement difficiles à saisir. C’est bien l’objectif de ce livre assez court : nous faire appréhender ce système, ses subtilités et ses finalités. Pour ce faire, les auteurs nous livrent un ouvrage au format relativement réduit : 230 pages qui équivalent à environ 200 d’un format plus classique. Le tout est structuré en 12 chapitres regroupés en 3 parties.

La première partie, « se mettre au Lean » couvre 80 pages soit 4 chapitres, le tout précédé d’une introduction d’une dizaine de pages, dont l’objectif est tout à la fois de donner une perspective historique que de servir de teaser au reste du livre. Au passage, on casse les jambes du « faux Lean » qui fleurit un peu partout, c’est bien fait ! On commence par du solide au chapitre 1 : une vingtaine de pages consacrées au « Gemba », non temps comme technique, mais comme changement de posture et partie intégrante du PDCA. A lire absolument pour comprendre la vraie nature du Gemba. Le second chapitre évoque la « magie du produit », c’est-à-dire en premier lieu comprendre la valeur du point de vue du client. Le sujet s’accoste au Gemba, car pour cela il faut saisir la manière dont le client utilise le produit pour savoir où introduire la « magie ». Si le chapitre ne creuse pas complètement le sujet, il met le doigt là où c’est important.

Le développement des personnes, sujet du 3ème chapitre est souvent peu évoqué quand on parle du Lean. Dans ce livre, c’est un sujet majeur. Ce chapitre évoque le rôle du manager dans la formation individuelle de son équipe, comme former ses collaborateurs « in situ » en se servant de la résolution de problèmes comme moteur. De nouveau un chapitre solide. A contrario, la réduction du lead-time est un sujet souvent mis en avant. Ce chapitre 4 est consacré à ce sujet : il nous donne les clés pour aborder cette réduction du lead time et profite au passage de l’occasion pour aborder l’une des différences majeures entre la vision Tayloriste et la vision Lean.

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Note de lecture : Understanding A3 Thinking, par Durward K. Sobek & Art Smalley

Note : 7 ; Pour donner du sens à la « pensée A3 », en conservant l’austérité du Lean !

Ne vous y trompez pas : le format de cet ouvrage est certes réduit, il ne prendra guère de place sur l’étagère… mais le contenu est consistant et demande à prendre son temps pour être consommé !

Ne vous y trompez pas : on y évoque le A3, mais ce n’est pas une explication de texte, en tout cas pas seulement. Comme le titre l’indique, il s’agit avant tout de comprendre la pensée A3, comment il s’inscrit dans une démarche et une logique PDCA. C’est d’ailleurs une trame récurrente du texte : superposer au A3 cette démarche PDCA.

160 pages et 8 chapitres, c’est tout ce qu’il faut pour venir à bout des objectifs énoncés ci-dessus. Le premier d’entre-eux est fort court avec 8, et c’est le PDCA qui nous est servi en guise d’introduction. C’est la philosophie Toyota que les auteurs tentent de nous faire toucher du doigt. Ils réussissent au minimum à nous donner l’envie de lire « The Toyota Way » ! Les 11 pages du second chapitre sont clés pour la suite, car il s’agit de la pensée A3 résumée en 7 éléments. Je ne vais pas les énoncer ici. Si je dois en retenir 3, je dirais : objectivité (résumé par l’approche scientifique), synthèse et vue systémique.

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Note de lecture : The Goal, 4th edt., par Eliyahu M. Goldratt

Note : 8 ; Un très grand classique !

 » The Goal  » fait partie d’une petite minorité de livres informatiques : celle des ouvrages écrits sous forme de romans. Ce n’est pas non plus un perdreau de l’année car le texte accuse ses 30 ans ! La forme romancée possède un atout majeur : l’agrément de lecture. Ainsi le texte s’avale bien et vite, ce qui explique certainement en partie les 6 millions d’exemplaires vendus !

Le texte comporte 337 pages pour ce qui est du livre lui-même, le tout rythmé en 40 chapitres. A cela s’ajoute pour cette 4ème édition un excellent article qui couvre une quinzaine de pages :  » standing on the shoulder of giants  » qui décortique les principes fondamentaux du Toyota Production System. Mais cet article est surtout riche de sa perspective historique, depuis ses racines Fordistes au contexte d’éclosion du TPS après la seconde guerre mondiale.

Revenons au livre lui-même. Je ne vais pas décortiquer les 40 chapitres, ce serait fastidieux et inutile. Je vais plutôt en relever les points qui m’ont marqués (les fameux post-it que je disposent pour ceux qui me connaissent).

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Note de lecture : The Lean Mindset, par Mary Poppendieck & Tom Poppendieck avec Henrik Kniberg

Note : 7 ; La pensée Lean, ou comment se focaliser sur les choses importantes, au-delà du « Lean Software Development ».

« Nous avons écrit 3 livres à propos du développement logiciel, mais nous ne pouvions en écrire un 4ème, car l’ile du développement logiciel a largement disparu. », c’est ainsi que se termine ce volume. Un texte qui ne s’inscrit dans pas dans la continuité des autres ouvrages des Poppendieck. Il est de loin mon préféré, il dirige résolument vers une pensée « produit ».

Le texte est court, il est expédié en un peu plus de 160 pages sur 5 chapitres et une épilogue. Après une introduction pour camper les notions de « lean mindset », de « fast pace thinking » (représenté par Oto) et de « slow pace thinking » (il s’agit d’Anna) qui nous viennent tout droit de kahneman, on attaque les 38 pages du chapitre 1 « the purpose of business ». Les questions qui y sont adressés sont d’ordre organisationnelles : quelle est la finalité de l’organisation ? Penser qu’il s’agit de maximiser la valeur de l’action est un leurre ou un effet de second degrés, alors que ce qui compte est ce qui mobilise les forces vives de l’entreprise.

Le second chapitre est consacré justement aux facteurs mobilisant les forces vives de l’entreprise. Le sujet couvre 30 pages et introduit également le Lean Product Development. Il ne s’agit pas seulement de motivation intrinsèque, mais d’aider les personnes à grandir, favoriser l’apprentissage. Ce sont des aspects que le Lean revendique mais qui sont rarement bien développés. Il y est aussi question d’intuition et de biais cognitifs, ce qui nous ramène encore à Khaneman.

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Note de lecture : The Principles of Product Development Flow, par Donald G. Reinertsen

Note : 8 ; Passionnant et passionnément austère !

Don Reinertsen n’est pas là pour s’amuser. Déjà vers la page 17, l’auteur nous explique que la manière d’appréhender les dimensions économiques d’un produit sont aujourd’hui bien naïve, que la théorie des contraintes de Goldratt est certes un progrès mais qu’elle ne représente qu’une étape intermédiaire, et que nous allons passer en revue tout cela au long de 150 principes que couvre le reste du livre. Oui : 150 ! A ce stade, on pressent que la lecture des 266 pages de l’ouvrage découpé en 9 chapitres va être bien plus longue que prévue. Une impression qui se vérifiera.

Le premier chapitre compte 26 pages. Il sert d’introduction aux 8 autres chapitres, ce n’est donc pas le plus difficile à lire. Et pourtant il fourmille déjà de concepts et d’une description très affutée des problèmes auxquels nous devons faire face lorsque l’on développe un produit. Bref, il campe le décors et fort bien !

On a guère pitié du lecteur : le second chapitre sur la « vue économique » est déjà un des chapitres difficiles de l’ouvrage. Mais c’est aussi la clé de voute de ce qui suit, à savoir le coût du délai ! On y parle d’objectifs économiques clés et déjà de la perception économique de la taille des lots intégrant le facteur « coût de transaction ».

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Note de lecture : Managing to Learn, par John Shook

Note : 4 ; Storytelling peu convainquant

Cet ouvrage au format inhabituel m’a été chaudement recommandé pour m’initier au A3 problem solving. Le format est inhabituel pour trois raisons :

  • Du fait de son format physique tout d’abord. Il est pratiquement carré et dépasse donc allègrement mes autres livres une fois rangé dans la bibliothèque.
  • Par son approche éditoriale : il s’agit d’un double storytelling, permettant une lecture à double niveau. Mais ceci complexifie aussi considérablement la manière d’aborder le texte. J’y reviendrais.
  • Par ses annexes : en fait des exemples de A3 (qui du coup ne sont pas au format A3), livrés pliés et insérés dans un rabat de la couverture arrière. Une bonne surprise de l’ouvrage.

Mais revenons-en au texte. Sous le format inhabituel dont j’ai parlé tout à l’heure, l’ouvrage compte 127 pages présentées en deux colonnes de largeurs inégales. La plus large, imprimée en noire, raconte l’histoire de Porter qui s’initie au A3 (mais bon, il connaît quand même un peu en fait). Cette histoire doit nous permettre de nous initier par l’exemple au concept du A3, le fameux « problem solving » spirit ! La seconde colonne est imprimée en bleue, c’est une histoire dans l’histoire, celle de Sanderson le manager de Porter. Sanderson est en posture de coach par rapport à Porter, c’est donc un deuxième niveau de lecture qui nous est proposé ici.

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