Note de lecture : Vivre, par Mihaly Csikszentmihalyi

Note : 6 ; La référence sur la psychologie de l’expérience optimale

Le titre Français rend bien peu justice à ce texte dont le titre anglais est bien plus pertinent. Je me devais d’aborder cet ouvrage abondamment référencé par d’autres auteurs traitant de psychologie, mais aussi nombre de références sur le management !
Le livre n’est guère impressionnant de prime abord : certes 300 pages, mais en format poche, il ne compte que 11 chapitres. Le premier chapitre traite de la qualité de l’expérience vécue, sujet qui est en fait un marchepied qui nous conduite vers le sujet au cœur des recherches de l’auteur : la théorie de l’expérience optimale. Elle nécessite de remonter aux sources de l’insatisfaction, comme ne plus trouver plaisir dans le présent, la désillusion suite à la prise de conscience de la futilité de nos quêtes… La solution réside en ce que l’auteur appelle la « maitrise de la conscience », un concept qu’il va développer par la suite.

Le fonctionnement de la conscience est le sujet du second chapitre. Ce n’est pas un chapitre très facile à aborder, sa structure n’est guère linéaire. Il aborde des notions aussi diverses que la théorie de l’information, le « soi » et le désordre de la conscience. On revient toutefois sur l’expérience optimale, la partie la plus intéressante du chapitre, où l’on voit qu’une même tâche peut s’avérer ennuyeuse pour certains et épanouissante pour d’autres en fonction de l’aspect intentionnel du geste. Le chapitre 3 va chercher à caractériser cette expérience optimale. L’auteur fait d’abord un détour vers la notion de plaisir qui ne participe pas à la « self actualisation ». Les 8 caractéristiques qui caractérisent cette expérience optimale se retrouvent dans le modèle de Ryan et Decci : défi, maitrise, focus, clarté de l’objectif, engagement, contrôle, feedback immédiat. Plus original est la notion d’altération de la perception de la durée qui caractérise ce que l’auteur appellera le flux. Le reste du chapitre décrit de manière claire et intéressante ces 8 caractéristiques.

Le chapitre 4 est dédié aux activités autotéliques, les activités qui sont réalisées à seule fin de l’intense satisfaction qu’elles procurent (à ne pas confondre avec le plaisir, on l’aura compris). L’auteur nous partage l’aboutissement de ses travaux sur les facteurs influençant cette satisfaction : type d’activité, environnement, organisation du temps et surtout le rapport exigence de la tâche / capacités qui forme le fondement de la notion de « flux ». L’influence de la culture et de la civilisation qui ferme ce chapitre m’ont moins accroché. Existe-t-il des personnalités autotéliques et si oui, quelles sont leurs aptitudes particulières ? En répondant « oui » d’emblée Csikszntmihalyi pointe d’emblée la capacité de concentration (et à contrario les troubles de l’attention) au début de ca chapitre 5. Le développement se poursuit par les facteurs neurophysiologiques sur le contrôle de la conscience issu des travaux de Hamilton, mais je me demande si les facteurs sociaux externes avaient bien leur place dans ce chapitre… La fin du chapitre s’intéresse à des personnalités (souvent célèbres) autotéliques pour conclure qu’afin de rester « saines » elles doivent changer de vie! Un chapitre intéressant mais décousu.

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Note de lecture : #Workout, par Jurgen Appelo

Note : 7 ; Des pratiques inspirantes, souvent engageantes, mais pas toujours si pratiques

La première chose que l’on remarque quand on tient l’ouvrage dans les mains, c’est l’incroyable design de chacune des 450 pages de ce volume en couleur ! Ce sont 17 pratiques prêtes à l’emploi que l’auteur nous propose ainsi. Certaines s’inscrivent dans la continuité de l’ouvrage « management 3.0 » tandis que d’autres sont plus originales.

Les Kudo Cards, le premier exercice proposé, ou plutôt un système où les membres d’un groupe peuvent remercier d’autres membres du groupe, non pour leur réussite individuelle, mais pour ce qu’ils apportent au groupe ou à l’un de des membres. Une pratique simple à mettre en œuvre mais qui œuvre beaucoup pour la cohésion du groupe. La Personal Map n’est pas une pratique en tant que telle, mais un principe auquel différentes pratiques vont se rattacher, comme le MBA (management by walking around). Toutes convergent vers cette même idée : comprendre et finalement écrire le réseau de relations qui nous connecte aux autres.

Le Delegation Poker est l’une des pratiques les plus emblématiques de Jurgen Appelo. Abordé dans Management 3.0, elle est plus développée et formalisée ici. C’est un excellent levier pour développer l’auto-organisation. Un « must have » ! Le « Work Expo » rejoint la famille des principes, plutôt que des pratiques. Il surfe sur le principe de la démo de Scrum mais en l’élargissant : montrer ce que l’on a réalisé, des témoignages ou raconter une histoire pour être fiers de ses accomplissements.

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Note de lecture : Thinking, Fast and Slow, par Daniel Kahneman

Note 9 : Une plongée dans nos 2 systèmes de décision et les biais qu’ils engendrent. Une lecture indispensable pour les managers et les responsables produits (et tout le monde, en fait).

Voilà un volume qui a pris la poussière durant de longues années sur mes étagères. Je savais que c’était une erreur, mais que ce n’était pas non plus une lecture légère. J’avais raison sur les deux points. Bien que psychologue, l’auteur peut s’enorgueillir d’un prix Nobel d’économie, pour avoir été à l’origine de l’économie comportementale, prix qu’il partage de cœur mais non de fait avec Amos Tversky décédé prématurément avec lequel il a mené une majeure partie de ses travaux.

Comme je l’ai dit, ce volume est plutôt conséquent : il affiche plus de 400 pages (hors annexes) structurés en 5 parties totalisant 38 chapitres. Ce sont donc en moyenne de petits chapitres ce qui rend la lecture plus fluide. La 1ère partie « two systems » regroupe 8 chapitres sur une centaine de pages. C’est assurément la partie le plus importante, au moins en termes de contenu. Il développe la nature des deux systèmes et consacre plusieurs chapitres aux travers du « système 2 », posant les bases des biais cognitifs que nous verrons ensuite : sa tendance à sauter directement aux conclusions, de fonctionner par ressemblance, ou même de substituer à une question difficile une question plus facile. Le propos s’appuie sur la description des heuristiques, mais l’auteur nous propose aussi nombre d’exercices à essayer ! Assurément une partie passionnante.

La seconde partie « heuristiques et biais » compte 9 chapitres pour 90 pages. Elle aurait pu s’intituler « les fails du système 2 ». Ainsi découvre-t-on la confiance exagérée que l’on peut accorder aux évènements peu fréquents, les ancrages dans lesquels nous enferment une information récente ou la tendance à limiter nos conclusions aux informations disponibles, même en les sachant incomplètes. De tous la « régression vers la moyenne » est sans doute le concept le plus difficile à appréhender naturellement, car il s’oppose à notre approche causale, selon l’auteur.

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Note de lecture : De mémoire vive, par Philippe Dewost

Note : 8 ; Témoignage sur la révolution numérique à la Française.

Comme le titre le suggère, il s’agit d’un livre d’histoire, mais d’une histoire où l’auteur est parfois acteur et parfois observateur engagé. Si elle est centrée sur l’hexagone, elle évoque abondamment l’autre côté de l’Atlantique (sans lequel il serait vain de compter une histoire de l’informatique), mais lorgne aussi sur l’asie. Ce n’est pas un récit objectif, et il met souvent en scène l’auteur lui-même : c’est l’angle du livre et si cela vous déplait, ce n’est pas la peine d’aller plus loin.

L’ouvrage compte 350 pages structurées en 11 chapitres encadrés d’une introduction et d’une conclusion. Le titre de chacun d’entre-eux est énigmatique de prime abord, il faudra lire le texte pour en comprendre chaque fois le sens. Lors du premier chapitre « estime de la souveraineté », l’auteur part (comme souvent dans l’ouvrage) de sa propre histoire, alors qu’il était élève officier, en évoquant le GPS et son devenir. Cette saga nous entraine non seulement sur le domaine de la souveraineté, mais aussi sur le rôle prépondérant des militaires sur le progrès technologique. Une partie de l’histoire est connue, certains détails le sont moins, et l’auteur excelle à connecter l’ensemble.

Il faudra attendre la fin de ce chapitre 2 pour en comprendre le titre « mentir à IBM ». C’est une belle perspective historique, même si elle est menée au pas cadencé, qui nous est proposée là, remontant jusqu’au années 60. Le propos sur la rareté des ressources trouve écho aujourd’hui où il est question de green IT. L’auteur nous tiens la main pour parler de goulots d’étranglements, de systèmes centralisés (à la IBM) et de réseaux. Le chapitre 3 « le chant des modem » est sans doute le chapitre qui m’a le moins plût. Comprendre le changement du terrain de jeux des grands conglomérats des telecom est sans doute instructif, mais j’ai vite perdu le fil des fusions et acquisitions dont il est question. Dommage.

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Note de lecture : Patterns for Effective Use Cases, par Steve Adolph & Paul Bramble, with Alistair Cockburn & Andy Pols

Note: 7 ; Un (excellent) complément au « Writting Effective Use Cases » d’Alistair Cockburn.

Les cas d’utilisation sont un peu passés de mode depuis la grande époque UML, jusqu’au début des années 2000. C’est bien de cette époque que date cet ouvrage dont on peut pourtant dire qu’il serait injuste de le considérer comme passé de mode ! Il s’inscrit dans la lignée du « writting effective Use Cases » d’Alistair Cockburn qui promeut une écriture intentionnelle, courte et efficace par rapport aux Cas d’Utilisation « interactionnels » qui noircissent beaucoup de pages et ont donné une image si déplorable de cette pratique.

L’ouvrage a adopté le forme « Pattern Language ». Elle n’est pas toujours appropriée pour un livre d’environ 200 pages, mais on doit bien constater qu’ici cela ne pose guère de problème. Ceux-ci sont partitionnés sur 7 chapitres (auxquels il faut ajouter le chapitre introductif). Chaque pattern occupant environ 6 à 8 pages, donc assez pour être développé et pas trop pour ne pas devenir indigeste. Le premier chapitre investigue ce qu’est réellement un cas d’utilisation de qualité. C’est du moins la promesse faite par ce chapitre dont le titre est un peu trompeur. Si les auteurs nous montrent effectivement ce qu’est un bon Cas d’utilisation par rapport aux mauvais cas d’utilisation (toute ressemblance avec les bons et les mauvais chasseurs…), le chapitre sert surtout de table de matière et au langage de patterns et d’introduction à la forme pattern. Cela dit, il n’y a rien de mal à cela et c’est même nécessaire.

Le chapitre 2 nous prend un peu par surprise : « The Team » évoque les aspects collaboration et coopération gravitant autour de l’écriture des cas d’utilisation ! Ainsi, ParticipatingAudience met l’accent sur l’implication des utilisateurs et des parties prenantes, tandis que BalancedTeam détaille la pertinence de former des groupes d’écriture diversifiant les points de vue. En réalité, les éléments évoqués sont un peu des nouvelles d’hier, mais les expliciter ne peut pas faire de mal. Le chapitre 3 « The Process » s’inscrit dans la continuité. Le chapitre est assez riche et ne commet pas l’erreur de proposer un workflow de rédaction. BreathBeforeDepth est sans doute l’un des patterns cruciaux de ce chapitre. Les auteurs y référencent de très nombreux autres patterns, sans doute trop. Mais le propos est crucial pour la réussite d’une démarche « cas d’utilisation ». Je suis plus surpris d’y trouver TwoTierReview qui aurait d’avantage eu sa place dans le chapitre précédent, à mon avis. Le QuittingTime est une bonne idée : il rappelle que « pas trop n’en faut » et qu’ajouter du détail peut être contre-productif. C’est une mise en garde dont j’ai eu à faire bon usage, car je dois avouer avoir été coupable de ce travers !

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Note de lecture : Gestion de Configuration : Maîtrisez vos changements logiciels, par Linda Djezzar

Note: 6 ; Une très bonne introduction aux processus de gestion de configuration, même si elle me laisse un peu sur ma faim.

Cet ouvrage fort digeste est destiné à faire comprendre ce qu’est la gestion de configuration, ses enjeux, sa mise en œuvre et ses apports. En ce sens, le livre est avant tout destiné aux managers. Comme nous allons le voir, il fait quand même l’effort de s’ancrer dans la réalité des outils de gestion de configuration, on pourrait presque dire qu’il s’agit d’un ouvrage hybride !

Justement, jetons un coup d’œil au texte. Tout d’abord, il est court avec ses 140 pages, ce qui renforce son ancrage vers les managers (quoique pour eux, même cela commence à être long…). Le texte est rythmé en 9 chapitres, ce qui constitue une taille moyenne assez réduite pour chaque chapitre. J’aime bien. Pour structurer encore plus, malgré la taille réduite du texte, les chapitres sont regroupés en 3 parties. La première d’entre-elle, « l’état de l’art », est constituée de 3 chapitres sur une cinquantaine de pages. Et l’on va commencer à explorer les concepts de base au premier d’entre-eux, sur une douzaine de pages. Après un trop court éclairage historique, on rentre directement dans un ensemble de définitions, certes rébarbatives, mais que l’auteure arrive à rendre digestes. Finalement, c’est la fin du chapitre qui serait la plus intéressante, mais les fonctions de la gestion de configuration sont traitées bien succinctement…

Même s’il ne compte qu’une quinzaine de pages, le second chapitre reprends là où le premier nous avait laissé en plan : les fonctions de la gestion de configuration. Bien sûr, on ne peut pas dire que le panel d’outils évoqués respire la modernité (CVS, PVCS, Clear Case…), ni que l’inscription dans le cycle de travail soit d’inspiration agile, mais il ne faut pas oublier que le texte date du début des années 2000 et au moins l’illustration est bien ancrée dans la réalité du cycle de développement. Le 3ème chapitre va donner à manger aux managers et aux cellules qualité avec l’évocation des modèles de maturité. Ce n’est pas le meilleur moment du livre.

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Note de lecture : Le triangle pédagogique, par Jean Houssaye

Note : 3 ; Pontifiant voir pédant, mais intéressant pour le seul premier chapitre

Le triangle pédagogique est l’une des bases de la pédagogie moderne. C’est aussi le titre de cet ouvrage et c’est la raison pour laquelle j’en ai fait l’acquisition. Le livre est constitué de 9 chapitres (plus une conclusion). A l’exception du premier chapitre, il s’agit de transcriptions d’interventions en colloques ou conférences de l’auteur. Ce qui impacte hélas l’homogénéité du propos. Le livre se limite à 155 pages, mais le contenu étant uniquement textuel et les textes étant souvent très lourds voir ampoulés, il met plus de temps que prévu pour être digéré.

Le premier chapitre lègue son titre à l’ouvrage. C’est la raison d’être de celui-ci, mais il ne compte que 12 pages. Il fait le boulot pour expliquer les 3 côtés du triangle, quoique vraiment trop succinctement, j’avais acquis l’ouvrage justement espérant quelques développements de ce côté. Par ailleurs le style très académique en complique la compréhension. Un trait que l’on retrouvera dans la totalité de l’ouvrage.

Le second chapitre « l’autorité ne passera pas » est plutôt un plaidoyer, dont la teneur surprend un peu. C’est assez rafraichissant et clairement hélas dédié au monde scolaire. On n’y apprend pas grand-chose non plus. Le troisième chapitre sur la gestion pédagogique entre élèves nous donne un éclairage historique sur les différentes approches. On comprend que l’on est coincés avec le « mode simultané », rafistolé avec une pédagogie de soutien notoirement inefficace mais qui nous donne bonne conscience, alors que d’autres approches telles que la pédagogie différenciée donnent de bien meilleurs résultats depuis longtemps. Bien joué.

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Note de lecture : Radical Focus 2nd edt., par Christina Wodtke

Note : 7 ; Les OKRs par la pratique, efficace et pertinent.

Vous cherchez à vous lancer réellement dans une démarche OKR ? Ce petit ouvrage est sans doute pour vous. Il ne s’agit plus ici de répondre au « pourquoi » mais au « quoi et au « comment ». Il cherche à combiner, plutôt heureusement, la compréhension de l’état d’esprit des OKRs, les éléments constitutifs de la démarche et la mise en pratique.

Petit, cet ouvrage l’est assurément par le format, ses 220 pages le rend d’une lecture aisée. Le texte est structuré en 4 parties, qui ne sont pas réellement constitués de chapitres, mais plutôt de sections. La première partie est une nouvelle, courte de 75 pages. Nous y faisons la connaissance de Hanna et Jack, créateurs d’une start-up, et de Jim leur « business angle ». Ce narratif va nous permettre de comprendre comment les OKRs vont leur permettre de piloter l’avenir de leur start-up, de prendre des décisions difficiles et de mettre en œuvre un suivi des indicateurs et des actions. Bien sûr, il s’agit d’un contexte start-up, mais cela permet quand même de se rendre compte d’un fonctionnement « par l’exemple ».

La seconde partie compte une cinquantaine de pages et détaille les éléments du framework. Elle commence à mettre en relief les causes d’échec des objectifs. C’est une bonne introduction au framework lui-même : les objectifs et les key results y sont expliqués et illustrés d’exemples. C’est un très bon point, l’auteur cadre parfaitement les propriétés et les questions à se poser pour obtenir de bons objectifs (et les key results associés).

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