Note de lecture : Thinking, Fast and Slow, par Daniel Kahneman

Note 9 : Une plongée dans nos 2 systèmes de décision et les biais qu’ils engendrent. Une lecture indispensable pour les managers et les responsables produits (et tout le monde, en fait).

Voilà un volume qui a pris la poussière durant de longues années sur mes étagères. Je savais que c’était une erreur, mais que ce n’était pas non plus une lecture légère. J’avais raison sur les deux points. Bien que psychologue, l’auteur peut s’enorgueillir d’un prix Nobel d’économie, pour avoir été à l’origine de l’économie comportementale, prix qu’il partage de cœur mais non de fait avec Amos Tversky décédé prématurément avec lequel il a mené une majeure partie de ses travaux.

Comme je l’ai dit, ce volume est plutôt conséquent : il affiche plus de 400 pages (hors annexes) structurés en 5 parties totalisant 38 chapitres. Ce sont donc en moyenne de petits chapitres ce qui rend la lecture plus fluide. La 1ère partie « two systems » regroupe 8 chapitres sur une centaine de pages. C’est assurément la partie le plus importante, au moins en termes de contenu. Il développe la nature des deux systèmes et consacre plusieurs chapitres aux travers du « système 2 », posant les bases des biais cognitifs que nous verrons ensuite : sa tendance à sauter directement aux conclusions, de fonctionner par ressemblance, ou même de substituer à une question difficile une question plus facile. Le propos s’appuie sur la description des heuristiques, mais l’auteur nous propose aussi nombre d’exercices à essayer ! Assurément une partie passionnante.

La seconde partie « heuristiques et biais » compte 9 chapitres pour 90 pages. Elle aurait pu s’intituler « les fails du système 2 ». Ainsi découvre-t-on la confiance exagérée que l’on peut accorder aux évènements peu fréquents, les ancrages dans lesquels nous enferment une information récente ou la tendance à limiter nos conclusions aux informations disponibles, même en les sachant incomplètes. De tous la « régression vers la moyenne » est sans doute le concept le plus difficile à appréhender naturellement, car il s’oppose à notre approche causale, selon l’auteur.

La 3ème partie « overconfidence » met en lumière notre propension à croire exagérément en notre maîtrise de la situation : quand nous réussissons, nous « avons été bons » et quand nous échouons, nous « n’avons pas de chance ». L’illusion de la compréhension substitue à la simple chance (une bonne coïncidence entre nos décisions et un évènement) une rationalisation après coup. L’illusion de la validité nous conduit à surestimer nos prédictions même en connaissant leurs faibles performances. L’auteur nous donne aussi une voie pour contrecarrer nos biais : le feedback. J’ai toutefois trouvé les 6 chapitres de cette partie moins passionnants que les deux précédents.

La question des choix est au cœur de la 5ème partie. L’auteur y consacre 10 chapitres couvrant 100 pages. Les idées qui y sont développées forment la base de l’économie comportementale et ont valu à l’’auteur le prix Nobel d’économie ou plus précisément, le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel. Le modèle proposé par l’auteur avec l’aide d’Amos Tversky (le Prospect Utility) succède à celui de Bernouilli (l’Expected Utility). Ainsi si Bernouilly propose un modèle où la désirabilité est confrontée à une valeur, cette proposition n’est valable que pour des personnes parfaitement rationnelles (appelées ici « Econs »). Mais aucun humain n’est rationnel. La formule de Kahneman introduit des éléments de contextes tels que l’aversion au risque, la dotation initiale ou l’effet d’évènements négatifs.

Le « fourfold pattern » résument les comportements de recherche ou d’aversion au risque selon que l’on est dans une situation de gain ou de perte combiné à la probabilité haute ou faible de l’évènement. Ce pattern permet d’anticiper par exemple l’acceptation ou le rejet d’une transaction. Les évènements rares sont traités à part : ils nous renvoient aux propos du « Black Swan » de Nassim Nicholas Taleb qui traite le sujet de manière plus alambiquée mais plus en profondeur.

La 5ème partie « les deux soi » forme une conclusion à l’ouvrage sur 30 pages et 3 chapitres. Dans le chapitre éponyme, l’auteur nous met en lumière que l’intensité d’une sensation peut être amoindrie par sa durée : notre système 1 garde la mémoire de l’intensité d’une douleur, mais pas de sa durée. En fait, cette dernière en amoindrie les effets. De même l’absence de mémoire d’une expérience en amoindrie la valeur. Aussi préférons-nous des vacances ayant des « expériences mémorables ».

L’ouvrage de Daniel Kahneman est un « must read ». C’est une découverte sur la manière dont notre cerveau fonctionne, dont les leçons se transposent sur un large éventail de nos activités. Le propos se lit très bien et est illustrés d’histoires, de résultats d’expériences et même d’exercices. Le seul bémol est le volume très conséquent de l’ouvrage, avec un propos qui tend à être répétitif.

Référence complète : Thinking, Fast and Slow – Daniel Kahneman – Farrar, Strauss & Giroux 2011 – ISBN : 978 0 374 53355 7

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