Note : 7 ; Un contrepoint au Lean Startup, pour suivre et piloter la croissance avec des métriques.
Le moteur de la Startup, c’est la croissance. Pour accomplir celle-ci, elle passe par plusieurs phases, mais aussi des ajustements, voir des virages radicaux de son positionnement de marché, de son business plan ou de son offre de service. Dans Lean Startup, il y a « Lean » et qui dit Lean dit amélioration et mesure. C’est de mesure dont il est question ici. Le livre évoque les métriques actionnables pour différents contextes et différentes phases des startups.
Ce volume fait partie de la « Lean Series » d’Éric Ries. C’est même un membre en bonne chair de cette série, avec près de 400 pages totalisant 31 chapitres ! Fort heureusement, le tout est rythmé en 4 parties. La première d’entre-elles « Stop lying to yourself » n’accuse qu’une quarantaine de pages pour 4 chapitres. Les deux premiers chapitres rentrent assez vite dans le vif du sujet en abordant les types de métriques (avec l’habituelle mise en garde contre les « vanity metrics ») et les différents tests permettant d’établir celles-ci. Les deux chapitres suivants de cette première partie se focalisent sur les décisions subordonnées à ces métriques. Mention spéciale aux 10 antipatterns sur l’usage des métriques en fin de cette première partie.
Avec 220 pages sur 15 chapitres, la seconde partie « finding the right metric for right now » est de loin la plus conséquente de l’ouvrage. Les deux premiers chapitres s’intéressent au quoi mesurer. D’abord, c’est en passant en revue les frameworks tels que les pirates metrics de McClure ou le « engine of growth ». Mais c’est surtout en ciblant le « One measure That Matters » ou OMTM, un concept qui sera récurent durant le reste de l’ouvrage.
Le chapitre 7 quant à lui nous sert d’introduction pour les business models qui vont suivre. Les chapitres 8 à 13 explorent différents business models, ce qui n’est pas sans rappeler le « Business Model Generation » de Osterwalder. Le modèle e-commerce, qui ouvre le bal, commence par exposer différentes métriques pertinentes dans ce contexte. Elles sont ensuite développées et adossées à une étude de cas. Un workflow simplifié synthétise l’acquisition de client dans ce contexte. Cette même trame va être utilisée pour chacun des business models qui suit. A commencer par le modèle SaaS au chapitre 9. Ici, c’est l’engagement du client qui est plus particulièrement passé à la loupe.
Au chapitre 10, on passe à un modèle radicalement différent : les applications mobiles gratuites. Ici il est plutôt question de ranking sur l’appstore et de monétisation, c’est-à-dire de publicité. J’ai toutefois l’impression que l’on n’a fait que gratter la surface. C’est de site de média dont il est question au chapitre 11. Ce n’est pas un modèle facile à évaluer, entre les visites, la récurrence, le temps de temps de lecture, le rebond, etc. Si le revenu est beaucoup lié à la publicité, le « paywall » est aussi une option de plus en plus retenue. Un chapitre qui offre des pistes, mais pas de réponses absolues.
Les « User Generator Contents » se focalisent sur la transformation du consommateur en créateur. Le chapitre est hélas peu convainquant du côté des métriques. Enfin le chapitre 13 aborde les plateformes de mises en relation. Les auteurs abordent la question par le biais de scénarios pour répondre à la question ardue : doit-on se focaliser en premier sur la croissance des vendeurs ou sur celle des acheteurs. Un chapitre intéressant pour un modèle très difficile.
Le chapitre 14 est une introduction aux 5 chapitres suivants, à savoir l’étape de la croissance. La première étape est l’empathie, dans le framework Lean Analytics. Ici, il s’agit plutôt de métriques qualitatives liées à la douleur engendrée par le problème à résoudre. Ce chapitre est presqu’exclusivement consacré à l’approche d’interview et de construction du modèle d’usage. L’aboutissement de ce chapitre est la construction du MVP. Ce MVP est aussi le point de départ du chapitre 16 consacré au « stickyness », autrement dit la fidélisation de l’utilisateur. Pour les auteurs il s’agit de faire émerger la Minimum Viable Vision depuis le MVP. L’élément clé de ce chapitre sont les 7 questions à se poser avant de sélectionner une fonctionnalité.
On passe à la vitesse supérieure au chapitre 17 abordant la 3ème étape : la viralité. Il y est d’avantage question de métriques quantitatives et bien sûr de growth hacking. Peut-être pas le meilleur chapitre, mais il fait le boulot. La quatrième étape va évoquer le revenu, avec des notions telles que l’EBIDTA, mais surtout la confirmation de l’hypothèse du modèle de revenu. Enfin le chapitre 19 aborde la dernière étape : le scaling. Le chapitre est étonnamment court et même décevant. Heureusement la littérature Lean Startup est riche d’ouvrages abordant en profondeur ce sujet. Cette seconde partie se conclut sur une synthèse sous forme de tableau combinant les modèles et les étapes. C’est assez bien fait.
La troisième partie « Lines in the sand » est forte de 8 chapitres sur près de 80 pages. Il s’agit ici d’avoir des repères par rapport aux différents business models afin de savoir si l’on performe ou si l’on plafonne. C’est ce qu’introduit le chapitre 21. Les choses sérieuses commencent au chapitre 22 qui aborde (à nouveau) le modèle e-commerce. Celui-ci est assez court, mais donne des benchmarks de taux de conversion, donc de bons repères. Moins de benchmark pour le SaaS, mais les auteurs nous proposent des courbes d’engagement et des repères chiffrés. Ce sont aussi des repères chiffrés qui sont proposés pour les applications mobiles, mais aussi un diagramme « loyalty by application category » riche d’enseignements.
Les médias était déjà un sujet difficile dans la partie précédente, c’est toujours le cas ici. Malgré le benchmark des grands sites média, ce chapitre 25 peine à convaincre. Pour le « User generated content », les auteurs s’appuient beaucoup sur l’étude de cas Reddit, mais finalement fournissent peu de repères dans ce chapitre très court. C’est hélas pire encore pour les places de marchés expédiées en à peine 4 pages alors qu’il y avait largement matière à faire mieux. Cette troisième partie se conclut sur un chapitre consacré au cas où l’on n’a pas de point de repère. Malheureuseusement ce court chaitre ne répond guère à la question.
La dernière partie nous promet de mettre les Lean Analytics au boulot, et ce sur 3 chapitres couvrant 45 pages. Tout d’abord le chapitre 29 aborde le marché des entreprises. C’est plutôt original, les ouvrages consacrés au Lean Startup se focalisant presqu’exclusivement sur les consommateurs. L’analyse sur la différencen des cycles de vente aux entreprises est fine et pertinente. Un très bon chapitre.
L’intraprenariat est un sujet épineux et l’objet du chapitre 30. D’une part, il aborde la cycle de « canibalisation » du business de l’entreprise mère et d’autre part les relations avec l’inertie inhérente aux grand groupes. Les auteurs synthétisent les positionnement marché respectifs de ces entités dans un diagramme issu du Boston Consulting Group. Très instructif. Le livre se referme sur un chapitre 31 nous invitant à prendre de la hauteurpar rapport au cycle Lean Startup.
Ce Lean Analytics n’est pas un livre facile. Il n’offre pas de recette magique et peut se montrer décevant à cet égard, surtout que certains modèles sont abordés de manière fort légère (je pense au modèle de place de marché). Mais il apporte asez de substance pour amorcer une bonne reflexion sur les métriques. Ce n’est pas du temps perdu.
Référence complète : Lean Analytics – Alistair Croll & Benjamin Yoskovitz – O’Reilly 2013 – ISBN : 978 1 449 33567 0