Note de lecture : Escaping the Build Trap, par Melissa Perri

Note : 6 ; Pour enfin comprendre le paradigme « produit »

Opposer « projet » et « produit » semble être l’un des sujets du moment… sauf qu’au moment de comprendre en quoi l’approche « produit » est fondamentalement différente de l’approche « projet », les choses se compliquent. C’est tout l’objet de l’ouvrage de Melissa Perri dont la lecture n’ira pas nécessairement aussi vite que prévu, malgré qu’il ne compte que 170 pages hors annexes.

Ce ne sont pas moins de 5 parties rassemblant 25 chapitres que compte l’ouvrage. Autant dire que ces derniers sont plutôt courts, ce qui rythme bien la lecture. La première partie « The build Trap » compte 200 pages totalisant 5 chapitres ! Le premier chapitre « the value exchange system » met l’accent sur le problème résolu (en échange de compensation) ce que l’auteur oppose à la posture de « demande de fonctionnalité ». Ce virage du mode réactif vers une réelle compréhension des besoins de utilisateurs est le véritable virage de la culture produit. L’obstacle majeur à ce virage est la culture de l’output (la fonctionnalité produite) par rapport à l’outcome (l’impact), comme le souligne le second chapitre.

Avant d’aborder les organisations orientées produit (au chapitre 4), l’auteur nous fait toucher du doigt la différence entre projets (s’organiser pour construire quelque chose) et produit, un avoir de la société que l’on fait grandir et évoluer pour adresser toujours mieux les besoins des utilisateurs. Donc le chapitre 4 introduit les organisations orientées produit, optimisant et priorisant leurs activités en fonction de l’impact métier, en les comparant aux entreprises orientées ventes, vision ou technologie. Rechercher l’impact, c’est aussi accepter l’incertitude, nous rappelle le chapitre 5. C’est une logique de découverte et de questionnement qui s’oppose aux certitudes du mode projet.

La seconde partie va se focaliser sur le rôle du product manager, pour 5 chapitres sur 35 pages. Elle débute par un chapitre 6 consacré aux anti-archétypes du PM. J’en retiens surtout le « Product Death Cycle » repris de David Bland. Le « great product manager » du chapitre 7 est plus conséquent, avec une dizaine de pages. Les questions clé proposées ici au PM en constituent probablement les éléments les plus importants. Je ne me retrouve pas vraiment dans la progression de carrière proposée au chapitre 6. Outre que 6 niveaux lui font ressembler à une progression à la Accenture, certains d’entre-eux n’ont pas de sens à mon avis. Et est-ce le type de motivations intrinsèques que vous voulez attirer dans votre entreprise ? Bien sûr le chapitre 9 qui évoque l’organisation en équipe s’inscrite dans cette logique. Cela sent la grosse structure, et même un peu la poussière…

La 3ème partie parle de stratégie. Le tarif est aussi de 35 pages et de 5 chapitres. Le chapitre 10 qui l’ouvre répond à la question : qu’est-ce que la stratégie ? C’est un cadre qui permet de prendre (et donc d’orienter) la prise de décision, répond l’auteur. C’est simple, direct et de plus correct ! Le chapitre 11 aborde les 3 gaps stratégiques. C’est un des points forts du livre. Il s’agit des écarts de connaissance, d’alignement et d’effet. La considération de ces écarts donne au PM les clés d’un plan d’action pour les corriger. Au chapitre 12 on s’attaque à la création d’un framework stratégique. Il s’articule sur 4 niveaux : Vision, intention stratégique, initiative produit et options. Ce cadre donne un sens au travail du PM. Il est peu développé ici, mais le chapitre 13 zoome bien sur les deux premiers niveaux pour les concrétiser.

La 4ème partie compte aussi 5 chapitres couvrant 50 pages. Il est question ici des processus du product management. Le chapitre 15 qui ouvre cette partie fait sans doute la fierté de l’auteur : le « product kata », qui était d’ailleurs déjà évoqué au chapitre 12, propose 4 étapes pour faire évoluer itérativement un produit. Le concept est intéressant mais peu développé dans ces pages. Au chapitre 16 il est question des métriques de succès. L’auteur y reprend les « pirate metrics » de Dave McClure, mais lui préfère la métrique HEART qui s’en rapproche beaucoup.

Les chapitres 17 et 18 traitent de l’exploration du problème et de la solution, respectivement. Cela sonne très fortement Lean Startup et ce sujet traité dans un nombre de pages limitées ici est mieux couvert dans Running Lean. Enfin, le chapitre 19 nous raccroche à l’agilité en proposant de prioriser l’évolution du produit. Mon take-away ici est le « black swan farming ».

La 5ème partie est consacrée aux organisations orientées produit. Elle est composée de 6 chapitres très courts qui se satisfont de 40 pages. Le chapitre 20 traite de la communication, mais le message n’est guère clair car il évoque sur un même pied les rituels et les roadmaps… Passons rapidement sur le chapitre 21 dévolu aux bonus qui nous rappelle (une fois de plus) que les bonus peuvent être destructeurs. Les chapitres 22 et 23 adressent l’apprentissage et le budget respectivement. On y trouve mis en pratique les principes d’amélioration et de frugalité qui nous viennent du Lean. Enfin le chapitre 24 enfonce le clou sur ce que signifie être centré sur le client : s’il n’y a pas de client derrière ce que vous voulez faire, ne le faites pas !

Melissa Perri a cherché à couvrir ce que signifie être un Product Manger, puis une organisation orientée produit, dans un espace réduit. Il en résulte beaucoup d’éléments importants sur les missions du PM, la construction d’une stratégie produit, etc. Mais également pas mal de frustration car on a souvent l’impression de ne pas rentrer au cœur du sujet. Une lecture tout à fait profitable.

Référence complète : Escaping the Build Trap – Melissa Perri – O’Reilly 2018 – ISBN : 978 1 471 97379 0

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