Note : 6 ; Ou comment assumer que l’on n’est pas extraordinaire !
L’auteur déteste les programmes et les livres de développement personnels, est-ce peut-être pour cela qu’il en a écrit un ? Mais celui-ci se veut à contre-courant, bien sûr. Toutefois, comme nous le verrons, le titre est assez trompeur.
Le livre est relativement court, avec 186 pages sur 9 chapitres. La lecture en français facilite probablement les choses car je soupçonne que le style de l’auteur ne soit pas d’un abord facile par rapport à mes lectures habituelles…
Le premier chapitre « don’t try » fait hommage à l’épitaphe de Charles Bukowski. Il ne s’agit pas de se foutre de tout, mais de choisir ce à quoi on va accorder de l’importance, à des choses qui comptent vraiment et non à des préoccupations superficielles qui deviennent anxiogènes. Ainsi assumer de ne pas être dans la normalité, c’est cela « s’en foutre ».
Le second chapitre « le bonheur est un problème » fustige la recherche du bonheur sans problèmes. Car les problèmes font partie de la vie et c’est de les résoudre qui nous procure du bonheur. Plutôt que de nous passer de la pommade, l’auteur nous balance dans la figure que c’est à nous de faire face à nos problèmes (qui ne sont pas si gros que ça) et que se complaire dans nos émotions ne nous y aidera pas. On ne peut pas non plus souffrir pour tous, c’est à nous de choisir nos combats ou dit autrement : ce qui mérite que l’on souffre pour cela. C’est cela qui détermine ce qui est important pour nous.
Malgré notre envie de le croire, nous ne sommes pas exceptionnels, c’est le thème de ce troisième chapitre. Il faut l’accepter, et c’est bien. Car une fois accepté, nous n’avons plus besoin de nous torturer à tenter de sortir de l’ordinaire. Cela nous permet de mieux accepter les choses simples et de se concentrer sur ce qui compte pour nous plutôt que de faire impression sur les autres.
Au quatrième chapitre, il est question de souffrance. Décidément, pour un ouvrage qui nous promettais de nous en foutre… Il commence par l’histoire du lieutenant Onada durant (et surtout après) la seconde guerre mondiale. La souffrance a trait à l’échec, et l’échec nous renvoie à l’évaluation par rapport à nos valeurs. L’auteur trace une ligne de démarcation qu’il nous partage entre les « valeurs merdiques » et les « valeurs cool ». Et cela en soi, c’est cool !
Il est question de choix au chapitre 5. Des choix que l’on fait tout le temps (ce qui contredit par ailleurs le titre du livre) et nous sommes responsables de nos choix, y compris quand notre choix c’est de ne pas faire de choix. Là encore l’auteur nous exhorte à prendre nos responsabilité (mais pas nécessairement la culpabilité) de ce qui nous arrive. Un chapitre dans la continuité du précédant mais pas aussi fort.
C’est de croyances que nous parle le chapitre 6 « tu as faux sur toute la ligne ». Des croyances que nous fabriquons nous même pour justifier qui nous sommes et ce qui nous arrive. Le cerveau humain est particulièrement fort à fabriquer des justifications, à tordre les faits pour les rentrer dans un modèle qui nous arrange. L’auteur nous livre la Loi de l’évitement de Manson : quand quelque chose met en danger l’identité que nous nous sommes forgés, nous allons chercher à l’éviter. Des réflexions pour le moins intéressantes.
Toujours mieux, Mark Manson nous propose au chapitre 7 de commencer par nous planter. En fait, il y a 3 enseignements ici : d’abord « l’échec », que je préfère appeler les tentatives (souvent infructueuses, d’où échec), sont l’élément du chapitre et peut-être du livre qui se rapproche le plus de la pensée agile. Et oui, essayer est important. Second élément : prendre des taules, c’est une source d’apprentissage. L’auteur emprunte aux exemples des survivants de la Shoa (je pense à Simone Veil) et oui, j’abonde aussi. Troisième élément : commencer par faire quelque chose, même petit, le reste suivra plutôt qu’attendre l’inspiration ! Un chapitre plutôt solide.
Le chapitre 8 sur l’importance de dire non m’a moins captivé. La leçon à en retenir c’est qu’il faut tenir à quelque chose pour lui accorder de la valeur, et accepter de dire « non » à ce qui n’est pas cela ! Bref on en revient au chapitre sur les choix avec lequel celui-ci est un peu redondant. Mais on y évoque quelques clés sur la confiance qui n’est pas sans intérêt.
Le dernier chapitre « et puis tu meurs » est le plus profond. En fait, il m’a surpris. Là encore, l’auteur y va cash en évoquant nos « projets d’immortalité ». Oui, nous en avons tous. Accepter sa mortalité, pour Mark Manson, c’est arrêter d’esquiver pour commencer à vivre sans avoir peur. Mark Manson s’appuie sur Ernest Becker pour nous asséner que notre quête d’immortalité est absurde, qu’elle réside en fait dans le choix de nos valeurs. Je vous laisserais découvrir le final sur « la face lumineuse de la mort » où là aussi l’auteur m’a étonné.
Le titre de l’ouvrage nous induit quelque peu en erreur. Car pour Mark Manson, s’en foutre n’est pas jouer au branleur, mais faire des choix, laisser tomber des combats et prendre nos responsabilités sans faux-fuyants. Peut-être le texte n’a t-il pas la structure d’un pro du développement personnel, mais les idées font souvent mouche. J’ai plus été gêné par le style trop familier, parfois à la limite de la vulgarité qu’utilise l’auteur. Certes j’ai lu une traduction en français, mais j’ai tendance à penser qu’elle traduit bien le style original. Quoi qu’il en soit, sa mention « best seller du New-York Times » s’explique aisément !
Référence complète : L’art subtil de s’en foutre – Mark Manson – Eyrolles 2017 (The Subtle Art of not Giving a Fuck ; Harper One 2016 ; ISBN : 978-0062641540) – ISBN : 978 2 212 56759 5