Note : 5 ; L’entreprise libérée colorée à la pensée capitaliste.
Tout d’abord, deux mots des auteurs. Le teneur principal des propos, c’est Bob Davids. Il apparait dans « Liberté & Cie » car il est le fondateur de Sea Smoke évoqué dans l’ouvrage. Bob Davids n’est toutefois pas l’un des rédacteurs, ses propos sont issus de plus de 100 heures d’interviews avec Isaac Getz et Brian Carney.
Ce livre est un abécédaire. C’est un format peu conventionnel, mais nous l’avons déjà rencontré : c’est le format qu’avait adopté Robert Townsend dans « au-delà du management » (Up the organization). De fait, Bob Davids est un disciple de ce dernier. Robert Townsend était même chairman du conseil d’administration de son avant-dernière entreprise, Radica, qi’il avait implanté en Chine. D’ailleurs, bien qu’il ait été aux commandes de 5 entreprises durant sa carrière (Bob Davids est maintenant à la retraite, aux Bahamas), ce sont uniquement les deux dernières, Sea Smoke et Radica dont il est question. Occasionnellement, il reviendra sur les premières heures de son parcours professionnel où il fut Designer industriel, notamment chez Général Motors.
Il n’y a pas de chapitres à ce livre, je vais donc me contenter de picorer quelques réflexions au long de cet abécédaire. Tout d’abord, l’entrée « Café » où il met en exergue deux axes forts : être respecté et faire preuve d’équité. Ce dernier point est souvent en tension avec le désir d’être aimé, mais Bob Davids troque « aimé » contre « équité ».
Dans l’entrée « décision », l’auteur nous partage « l’autorité échoit à ceux qui s’en emparent ». C’est une façon sèche et même un peu maladroite à mon avis, d’exposer que les décisions sont ouvertes au plus bas niveau de la hiérarchie pour, comme le dit l’auteur, faire fonctionner tous les cerveaux. A « galère, en sortir », Bob Davis nous exhorte à concentrer les réunions sur les solutions et non sur les accusions à fortiori personnelles.
J’aime beaucoup l’entrée « idiots, comment les fabriquer » où l’on pointe du doigt le micro management qui prend les salariés pour des idiots. Le verdict est sévère : c’est ainsi qu’on les invite à se comporter comme des idiots. Si l’on pense qu’ils sont idiots, pourquoi les garder ? A « motivation » Bob Davids évoque un de ses sujets récurrents : la communication, qu’il considère comme un facteur différenciant de la concurrence. Mais attention, c’est de réelle communication dont il est question, pas de communication descendante. A « parler à », il préfère ainsi « parler avec ».
Il y a une entrée « tap dancing » ! C’est l’attitude qu’il attends d’un consultant (et l’attitude que lui-même a adopté). Nous travaillons sur commande et non quand l’inspiration se fait sentir. Prostitué plutôt que prima-dona, donc. A « vestes et autres costumes », Isaac Getz ajoute que les consultants ne doivent pas se sentir supérieurs à leurs clients. C’est ce qu’il appelle le « conseil sans égo ». Enfin Bob Davids nous différencie les visionnaires des comptables : le visionnaire regarde la route devant pour ajuster leur conduite, avec de brefs coups d’œil dans le rétro, tandis que les comptables ont le regard vissé dans le rétroviseur.
Voici un ouvrage non dénué d’intérêt, mais qui ne nous apprends pas grand-chose pour les adeptes des autres ouvrages ayant trait à l’entreprise libérée. Mais il nous éclaire beaucoup sur la conception de l’entreprise et du management de Bob Davids, qui rejoignent beaucoup ceux de Robert Townsend. Sans grande surprise, il a une vision très capitaliste, républicaine même de l’entreprise libérée, comme on pourra s’en rendre compte à l’entrée « travailler ensemble dans le jardin ». C’est un cocktail étrange mais la valeur du livre réside probablement ici : nous éclairer sur des points de vue convergents mais différents de ces chefs d’entreprises libérées.
Référence complète : Leadership sans égo – Bob Davids, Isaac Getz & Brian M. Carney – Fayard 2019 (V.O.: Leadership Without Ego ; Palgrave Macmillan 2018 ; ISBN : 978-3030003227) – ISBN : 978 2 213 71189 8