Note de lecture : Vous allez commettre une terrible erreur ! par Olivier Sibony

Note : 3 ; Plus une tribune pour que l’auteur clame ses idées, qu’un véritable travail d’étude.

De prime abord, le titre semblait prometteur sur l’investigation des biais cognitifs. Hélas, Olivier Sibony essaie de faire « comme les grands » mais n’y parvient pas. Le texte vise les décideurs et l’auteur se livre au long des pages à une danse de séduction à leur égard qui nuit gravement à la force du texte aussi bien qu’à son contenu même. Nous reviendrons là-dessus en conclusion de cette note.

L’ouvrage lui-même compte 330 pages (hors annexes) divisées en 3 parties, le tout totalisant 16 chapitres. La première partie compte 176 pages sur 9 chapitres. C’est la partie la plus longue, de loin, mais aussi la plus intéressante. Ça tombe bien. C’est justement la partie qui évoque les biais cognitifs. On commence au chapitre 1 par « le piège du storytelling ». Ce chapitre regroupe 3 biais : le biais de confirmation, le biais du champion et le biais d’expérience. Le tout est illustré … par une histoire ! Il s’agit de celle des avions renifleurs. Toutefois le propos et les biais sont clairement expliqués. Mais, et l’on retrouvera cela tout au long du livre, l’auteur manipule bel et bien les éléments dans une direction qu’il souhaite donner. Pour quelqu’un qui prône « les faits, rien que les faits » …

Le second chapitre évoque le piège de l’imitation. Il regroupe l’erreur d’attribution (où l’on corrèle trop vite un résultat avec un facteur), l’effet de halo où seuls les traits qui attirent notre regard sont notés à l’exclusion des autres éléments et le biais du survivant où les ratages sont ignorés. Un bon chapitre bien et clairement illustré. Le chapitre 3 nous emmène vers les pièges de l’intuition : en relatant Kahneman, nous y voyons plus clair sur le champ d’application de l’intuition et du danger de l’extrapoler. Un sujet clairement traité.

L’excès de confiance, sujet du chapitre 4 poursuit le thème du chapitre précédant en traitant à la fois l’excès de précision et le biais d’optimisme. Je suis dubitatif à certaines conclusions lorsque superpose au propos sa propre vision du processus décisionnel. A contrario, l’inertie, thème du cinquième chapitre couvre bien le biais d’ancrage et évoque aussi l’effet Ikea (ici appelé escalade de l’engagement), même si Dan Ariely reste la référence.

Au chapitre 6, c’est l’aversion au risque dont s’occupe l’auteur. Un sujet qui permet à l’auteur de promouvoir son discours entrepreneurial. So boring. Cela ne s’arrange pas avec le chapitre 7 qui nous met en garde contre le court-termisme tout en brossant actionnaires et comités de direction dans le sens du poil. La pensée de groupe et l’effacement des désaccords me font penser au 7 dysfunctions of a team de Lencioni. C’est moins rugueux ici mais assez efficace quand même, illustré avec la crise de Cuba. Cette partie se referme sur un chapitre 9 dédié aux conflits d’intérêts que j’ai trouvé assez fade.

La seconde partie ouvre le propos qui est au cœur du message que veut faire passer l’auteur : les facteurs de décision. On en prend pour 4 chapitres sur 70 pages. L’intérêt du propos est ici pour moi en recul par rapport à la première partie. Le chapitre 10 traite assez légèrement de la façon dont nous utilisons les biais, mais il propose une classification de ceux-ci. Pas mal. S’en suit un chapitre 11 qui veut nous prouver la vacuité d’essayer de surmonter nos biais. Le propos est très assertif et peu étayé de faits ou d’études, éventuellement d’anecdotes (celles dont l’auteur nous a mis en garde au chapitre 2).

On poursuit dans la même veine au chapitre 12 « quand l’erreur n’est pas permise » où l’auteur nous propose l’arme ultime : le collectif. Le propos sur le collectif tient la route, mais l’auteur occulte joyeusement que l’échec peut arriver quand même et que l’on peut (pas toujours) transformer une décision « gambling » en décision survivable… Au chapitre 13 l’auteur nous fait visiter le biais du survivant et son impact sur la décision. Il clôt cette partie de manière plus positive, probablement grâce à l’histoire de Paul le Poulpe…

La 3ème partie nous conduit au véritable propos de l’auteur : l’architecture de la décision. Peu intéressant et biaisé de mon point de vue, il couvre 80 pages sur 3 chapitres. Le chapitre 14 traite de dialogue ou plus exactement de la structure que doit avoir celui-ci. Les idées de l’auteur se rapprochent des 6 chapeaux d’Edward de Bono (mieux développé chez celui-ci) mais l’auteur ignore cette référence, tout comme il ignore l’holacracie et son processus de décision quand il parle de consensus. Son « c’est au dirigeant de trancher » nous montre bien qui sont ses futurs clients. Le décentrage, sujet du chapitre 15 nous montre également une pathétique ignorance de la facilitation de groupes à différents points de vue. Dommage, car le sujet est bon.

Le livre se referme sur le chapitre 16 où il est question de dynamique. Le chapitre est un peu fourre-tout mais présente le mérite d’exposer quelques bonnes idées, notamment sur l’expérimentation et plus précisément sur le Lean Startup.
Le livre est décevant. J’aurais pu m’en douter au titre racoleur dont la boussole indique le négatif, titre dont l’auteur est très fier. C’est pour les biais cognitifs que j’avais acquis ce titre. On y trouve quand même du matériel intéressant, mais dont il manque la puissance et la qualité d’un Dan Ariely, d’un Gladwell ou d’un Daniel Pink et l’on sent pourtant que l’auteur voudrait jouer dans cette cours-là. La seconde et la troisième partie ressemblent trop à une danse de drague envers les équipes dirigeantes qui sont de toute évidence la cible business de l’auteur. Je m’en serais bien passé.

Vous allez commettre une terrible erreur ! par Olivier Sibony

Référence complète : Vous allez commettre une terrible erreur ! – Olivier Sibony – Flammarion 2019 – ISBN : 978 2 0814 6988 4

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