Note : 5 ; Troublant, intéressant … et brouillon et égocentrique !
Les choses ne sont pas aussi déterministes que nous aimerions le croire. Là où nous voyons des corrélations et de l’expertise il n’y a bien souvent que de la pure chance. Tel est le propos central de cet ouvrage.
Le texte compte environ 260 pages en format 12 x 22. Il est divisé en 3 parties. C’est une lecture plus difficile qu’il ne semble de prime abord, car l’auteur écrit dans un anglais plutôt élaboré. La première partie « Solomon’s warning » compte 7 chapitres pour 130 pages, c’est donc la moitié de l’ouvrage. Le premier chapitre « si vous êtes si riche, pourquoi n’êtes-vous pas plus intelligent » marque de son empreinte la condescendance dont fait preuve l’auteur. C’est un trait qui couvre la totalité du livre. Ce premier chapitre nous comte les histoires de Nero et de John, tous deux traders. L’un fait preuve d’aversion aux risques tandis que l’autre s’expose au « randomness » risque et termine ruiné. Il y est donc question de tenter le destin.
Le chapitre 2 évoque un système de comptabilité bizarre. Il y est question d’histoires alternatives. De là l’auteur nous conduit vers son outil préféré : la simulation Monte Carlo, qu’il utilise en lieu et place de la lecture des informations ! Le chapitre 3 permet à l’auteur d’évoquer le médiocre respect qu’il a pour les leçons de l’histoire (dont il juge les corrélations avec le présent sujet à caution) et son mépris des journalistes. Quand je vous parle d’égo… Je passe rapidement sur le chapitre 4, fort court et qui ne développe pas de nouveau thème.
Le chapitre 5 s’intitule curieusement « la survie du moins adapté ». Il y est encore question de traders. Ces moins adaptés partagent, selon l’auteur des traits tels que : surestimation de la justesse de leurs croyance, déni, absence de plan de repli, etc. L’environnement, par sa nature chaotique induit une adaptation qui peut parfois difficilement être qualifiée d’évolution. Le chapitre 6 traite de l’un des sujets préférés de l’auteur : les asymétries. Ou plus exactement, moyenne et médiane sont deux choses très différentes. Cela nous conduit à la notion d’évènements rares (sujet du livre suivant) auquel il faut conjuguer le bénéfice. Et l’auteur de vanter les vertus de positions sur des évènements rares rapportant beaucoup par rapport aux évènements fréquents rapportant très peu. Au-delà de l’arrogance de l’auteur, le sujet a le mérite d’être intéressant.
Le chapitre 7, le problème de l’induction, s’inscrit dans la continuité de l’asymétrie : on ne peut statuer à l’impossibilité d’un évènement juste parce qu’il n’est jamais arrivé. Par contre un seul contrexemple suffit à mettre en défaut une affirmation. Cette idée s’inscrit dans le principe de « falsification » de Karl Popper et de la démarche scientifique en général.
La seconde partie porte un titre pour le moins abscons « des singes sur des machines à écrire ». Nous avons 4 chapitres sur un peu moins de 100 pages pour voir de quoi il retourne. Le chapitre 8 « too many millionnaires next door » revient sur nos biais : le biais du survivant et le problème de l’induction pour contrer l’idée qu’observer les corrélations entre des millionnaires est très loin de définir une causalité. Bref, on radote un peu. C’est encore des coïncidences dont il est question au chapitre 9 et de la sous-évaluation de la nature aléatoire de celle-ci. J’ai particulièrement noté le « paradoxe des anniversaires » dans ce chapitre.
Au chapitre 10, « looser takes all », est plus fouillis dans son propos. On y parle de non-linéarités et de l’effet de réseau, mais sinon… Au chapitre 11, c’est notre capacité à occulter la réalité que l’auteur met en exergue. C’est le moment d’évoquer Kanheman et Tversky et l’économie comportementale et beaucoup d’histoires de trading pour illustrer ces biais cognitifs.
La dernière partie est intitulée « de la cire dans mes oreilles ». C’est une petite partie qui ne compte que 3 chapitres. Il s’ouvre sur un court chapitre 12 qui stigmatise les tiques superstitieux des joueurs et rapproche ceux-ci des résultats des expériences de BF Skinner utilisant des rats et des pigeons. Le chapitre 13 lui pointe les biais scientifiques des scientifiques et autres économistes. C’est pour l’auteur une nouvelle occasion de démonter son arrogance. Le dernier chapitre nous gratifie de quelques réflexions personnelles mais apporte peu de matière.
La structure du livre est assez décousue et cette note de lecture l’est tout autant. Le message du texte est simple dans son essence : de nombreux faits que nous voulons expliquer ou corréler sont en fait de purs hasards. L’auteur est cultivé et sait nous surprendre et nous intéresser par ses réflexions. Au-delà de ça, son sujet de discussion principal et lui-même et si vous savez passer son arrogance récurrente, vous prendrez plaisir à cette lecture.
Référence complète : Fooled by Randomness 2nd edt. – Nassim Nicholas Taleb – Random House 2016 – ISBN: 978 0 399 59045 0