Tous Winners ! par Malcolm Gladwell

Note 5 ; Un cocktail de récits passionnants, de faits intéressants mais aussi de points de vue questionnable, voir contestables.

J’avais adoré le « point de bascule ». C’était pour moi un argument suffisant pour m’attaquer à ce nouvel opus. Il n’est pas mauvais, loin s’en faut, mais ce texte pâlit de la comparaison avec le précédant. L’idée est excellente : aller chercher des réussites exceptionnelles, puis décortiquer leurs facteurs de réussite, pour s’apercevoir que, s’il s’agit bel et bien de personnes très brillantes, elles ne sont pas non plus « hors norme » et que d’autres facteurs contextuels ont joué leur rôle (une idée que l’on retrouve dans « le point de bascule »).

290 pages, 9 chapitres en 2 parties, voilà le tarif pour ce petit volume de poche. Cela reste au final une lecture assez rapide, qui se couvre en deux jours assez intenses. La première partie « l’occasion » couvre les 5 premiers chapitres sur 150 pages. C’est aussi pour moi la partie la plus intéressante. Avant même d’aborder cette première partie, Malcom Gladwell nous livre en guise d’introduction, l’histoire de la ville de Rosetto et de ses habitants avec leur santé « hors norme ». Et l’auteur est un excellent conteur, je le savais déjà. Cette introduction nous sert un premier enseignement en guise d’apéritif : les causes ne sont pas toutes intrinsèques : le contexte compte.

Le premier chapitre nous parle de « l’effet Matthieu » (oui, comme l’évangéliste). On pourrait le résumer ainsi : on ne prête qu’aux riches. Cela est illustré une fois encore à l’aide d’un exemple, celui d’une équipe de hockey Canadienne jouant en catégorie Junior au niveau National. Les sélections s’effectuant de Janvier à Décembre pour les plus jeunes, les natifs des premiers mois de l’année partent avec un avantage de développement physique qui se traduit par des entrainements supplémentaires et de fil en aiguille une équipe dont plus de la moitié des joueurs sont nés entre janvier et mars ! C’est hélas vrai dans bien d’autres domaines, dont la scolarité. Cet effet de contexte, on le retrouve dans la règle des 10000 heures que l’auteur illustre avec Bill Gates et les Beatles. Certes ces derniers sont talentueux, mais ils ont pu développer leur jeu en jouant intensément à Hambourg. Tout comme Bill Gates, encore adolescent a pu bénéficier de l’accès à l’un des premiers ordinateurs en temps partagé. Cette pratique intensive est à combiner avec une « fenêtre historique » pour exprimer leur talent. La démonstration est toutefois un peu moins convaincante qu’au premier chapitre.

Les chapitres 3 et 4 sont intitulés « l’ennui avec les génies ». Il est illustré en toile de fond avec l’histoire de Chris Lagan, un quasi-inconnu dont le QI avoisine les 190. Il nous amène à deux conclusions : le QI ne dit pas tout et ne mesure pas, par exemple, l’intelligence pratique ou la créativité. En second lieu, la réussite ne dépend pas du fait d’être « extrêmement brillant », mais « suffisamment brillant », le reste est lié à la capacité d’exploiter cette ressource, elle-même en partie dépendante du contexte socio-économique. De ce point de vue, Chris Lagan n’a pas été gâté, au contraire d’Oppenheimer, par exemple. Le développement et le raisonnement sont réellement intéressants, mais l’approche de l’auteur reste pas mal anecdotique, mais nombre d’arguments portent.

Le dernier chapitre de cette première partie, les « 3 leçons de Joe Flom » enfonce le clou sur le contexte socio-économique. C’est un petit tour de force de l’auteur en termes de démonstration pour éclairer les facteurs de réussite de Joe Flom, depuis son héritage culturel jusqu’à sa « fenêtre » d’arrivée sur le marché. L’auteur termine en montrant comment ces facteurs se généralisent dans plusieurs secteurs d’activité. Bien joué.

La seconde partie, « l’héritage » est constitué de 4 chapitres. Le chapitre 7 qui l’ouvre nous entraine dans le domaine des héritages culturels : nos comportements sont hérités de ceux de nos aïeux de la même façon que nous héritons d’un accent. L’auteur nous éclaire à l’aide d’une étude impliquant des étudiants des états du sud en les comparant à ceux des états de nord. Intéressant mais pas complètement concluant. Le chapitre 8 s’avère plus passionnant qui décortique les raisons principales des accidents d’avions et la manière dont ils sont liés à l’indice de distance hiérarchique. Plus il est élevé et plus c’est la loose. Et de ce côté en France nous sommes mal lotis. Intéressant et à rapprocher des principes de management agile.

Les deux derniers chapitres sont loin d’être mes préférés. En fait, ils sont même un peu manipulateurs. Le message est simple : pour réussir il faut bosser comme des tarés. Les asiatiques le font car leur héritage culturel est de bosser comme des tarés dans les rizières. La KIPP school à New York marche aussi car les élèves bossent 18 heures par jour au lieu d’horaires de faignants et travaillent aussi l’été. On passera sous silence le style pédagogique, mieux vaut s’intéresser au rythme. Corrélation n’est pas raison et j’ai l’impression d’être plongé en plein là-dedans. Et le livre perd un ou deux points au passage.

L’auteur sait écrire et sait raconter. C’est indéniable. Et autant le point de bascule construisait un schéma comportemental cohérent, autant il s’agit plus ici d’un kaléidoscope couvrant des conclusions qui vont dans le sens où l’auteur veut nous conduire. Le 5 est bien payé.

Tous Winners ! par Malcolm Gladwell

Référence complète : Tous Winners ! – Malcolm Gladwell – Flammarion 2014 (V.O. : Outliers: the story of success ; Back Bay 2009 ; ISBN : 9780316056281) – ISBN : 978 2 0813 4256 9

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