Note : 9 ; Eclairé et agréable à lire. Comme toujours, avec Larman…
Nous commençons à avoir l’habitude de la qualité des textes de Craig Larman. Celui-ci ne fait pas exception et est également témoin du virage de l’auteur vers les pratiques agiles. Dans cet ouvrage, Larman se focalise sur l’aspect gestion de projet, mettant l’emphase sur le cycle itératif et ses bénéfices, notamment par rapport au cycle en V. Il s’agit donc bien d’un ouvrage pour convaincre et faire prendre conscience du changement de paradigme qu’amène l’agilité. Le texte date de 8 ans, mais je pense qu’il reste tout à fait d’actualité, d’une part car il reste beaucoup de monde à convaincre, et d’autre part car il est à peu près seul sur son créneau, la plupart des livres dédiés à l’agilité se focalisent sur le « comment » plus que le « pourquoi ». Il serait plutôt à comparer à « Agile Software Development Ecosystem » de Jim Highsmith.
Cela dit, ce volume n’est pas un guide touristique. Ses 330 pages découpées en 12 chapitre en attestent. Je passe rapidement sur le premier chapitre qui ne compte que 6 pages : il fournit quelques généralités sur la logique de projet prédictifs à opposer avec le développement de nouveaux produits. Il fournit aussi nombre de liens dont beaucoup sont toujours actifs ! Le second chapitre traite sur une quinzaine de pages la logique des projets évolutifs et itératifs. C’est très abondamment illustré, extrêmement clair et chirurgical, dirais-je. Un plaisir !
Au 3ème chapitre compte aussi 15 pages et s’intitule simplement « agile ». L’auteur s’efforce d’embrasser les principes et l’essence de l’agilité. Seul le lecteur peut juger si le challenge est relevé. De mon côté, je trouve la prose parfaitement adaptée au managers. Elle est aussi finalement parfaitement appropriée pour faire découvrir les principes agiles à tout néophyte.
Le chapitre 4 semble incongru. Il est court de 7 pages et se nomme « story ». L’auteur y compte le déroulement d’un projet agile, avec des persona, des évènements, etc. Il sert un peu de table des matières à ce qui suit, car dans la marge, Craig Larman référence des chapitres ou des sections se trouvant plus loin dans le texte. Incongru, mais très bien fait !
C’est de motivation qu’il est question au long des presque 15 pages de ce chapitre 5. Ou plutôt des facteurs influençant les facteurs de motivation extrinsèque : approche d’estimation, spécifications figées, etc… Le manager trouvera des clés par rapport à son équipe.
Avec le chapitre 6 nommé « evidence », on attaque de gros morceaux, il pèse plus de 40 pages. Il s’agit de construire de manière solide l’argumentaire pour promouvoir l’agile. Comme toujours c’est très bien fait, car l’auteur prend soin d’argumenter sur plusieurs axes : preuves empiriques pratiques, preuves théoriques et développement des standards. Hélas le texte souffre aussi un peu (déjà) de son âge, mais aussi d’un comparaison limitée au cycle en cascade, ce qui est un peu court !
Scrum est l’objet du chapitre 7, traité sur 30 pages. Il s’agit d’une description simple et claire, très épurée du framework. On y trouve aussi les valeurs de Scrum (rarement mises en avant) et quelques erreurs courantes qui valent le détour. Les hybridations telles que XBreed sont très succinctement évoquées.
Au chapitre 8 et sur une longueur à peine supérieure, c’est Extreme Programming qui est développé. On suit le même schéma de présentation, suffisamment clair pour la compréhension du manager mais pas assez consistent pour mettre le pie à l’étrier. L’hybridation XP + UP nous donne l’occasion de sourire un peu.
L’allien du livre est au chapitre 9 : il développe Unified Process sur environ 35 pages selon la même structure. Si l’auteur développe très bien UP avec le même niveau de clarté, il rate à mon avis la raison pour laquelle itératif et agile ne doivent pas être confondus, une nature profonde que Ken Schwaber dans son papier sur Scrum publié à OOPSLA en 1993 n’avait pas raté…
Ce sont aussi 35 pages que l’auteur consacre à EVO, le grand-père des méthodes agiles au chapitre 10. C’est pour moi un plaisir de lire un auteur aussi instruit et cultivé que Craig Larman, car il est très difficile de trouver aujourd’hui un texte sur EVO. L’auteur se permet même une introduction à EVO. C’est clairement pour moi un plus de l’ouvrage, même si l’intérêt pratique est faible.
Le chapitre 11 nous propose un ensemble d’éléments pratiques allant de la gestion de projet multisite à la gestion d’exigence et aux tests. Cela dépasse un peu le public auquel est destiné ce livre, mais le matériel proposé au long de ces 50 pages est de bonne qualité.
Enfin le chapitre 12 est une FAQ dans laquelle on pourra picorer diverses réponses. Pas indispensable, mais OK.
Ainsi, Craig nous parle des auteurs majeurs des méthodes agiles, des études et des preuves ayant conduit à l’adoption de telle ou telle pratique. Bref cette lecture est non seulement agréable et instructive, mais elle ouvre également la porte à d’autres lectures. Que demander de mieux ?
Référence complète : Agile and iterative development, a manager’s guide – Craig Larman – Addison Wesley / ASD series 2003 – ISBN: 0-13-111155-8