Le stand-up, ou scrum meeting, quelque soit le nom que vous lui donniez, est un élément prépondérant du framework Scrum (et d’autres approches agiles également). C’est lui qui permet de maintenir le cap de l’itération et de s’assurer que tout reste dans les clous de ce qui a été prévu en début de Sprint et de faire des choix ou des actions correctrices le cas échéant.
Vous connaissez sans doute le principe : à heure fixe chaque jour, les membres de l’équipe se rassemblent, souvent devant leur Scrum Board. C’est un rendez-vous court d’une dizaine de minutes (c’est pourquoi tout le monde reste debout) et chacun répond à 3 questions :
- Qu’ai-je fait hier ?
- Qu’ai-je l’intention de faire aujord’hui ?
- Quelle problème ai-je rencontré ?
Tout est dans l’efficacité. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?

De l’équipe à l’individu
Scrum insiste beaucoup sur la notion d’équipe et l’auto-organisation. C’est la raison principale pour laquelle il n’y a pas d’autre rôle qu’équipier au sein de l’équipe de développement. On doit travailler ensemble pour traiter une User Story et c’est ensemble que l’on escompte atteindre l’objectif de Sprint.
Et soudain, au stand-up, c’est à l’accomplissement individuel que l’on s’intéresse. Pas à la user story si on y a travaillé à 3, mais à la part que chacun y a pris. Une bonne façon d’induire les comportements individualistes dont on voulait se débarrasser en premier lieu. Plus souvent, cela conduit les équipier à s’approprier individuellement des items de backlog. Autant pour l’esprit d’équipe !
Mais ce n’est pas fini.
Les auteurs de Scrum nous suggèrent aussi de mettre à jour le reste à faire des tâches. En heures. Nous nous éloignons encore un peu plus du regard vers l’objectif de sprint. De la valeur ou de l’impact, nous portons maintenant notre attention sur la quantité de travail.
Du Scrum praticien au Scrum Zombie
La mise à jour du reste à faire induit aussi une autre logique : celle de la justification. Finalement notre logique du reporting, celle que nous avions sorti par la porte, est de nouveau rentrée par la fenêtre. Une logique encore agravée par les fameuses 3 questions. Car la première d’entre-elle est : « qu’ai-je fait hier ? ». Comme il s’agit de la première question, ce sera celle à laquelle on accordera le plus de temps et d’attention. Pourtant ce point est purement informatif, et ce sont bien les deux autres questions qui doivent nous aider à prendre des décisions et à nous organiser. Ce devrait être le but premier du stand-up. cette adhésion aveugle à une consigne est aussi la manifestation d’un autre phénomène : Le Scrum Zombie.

Le Scrum Zombie dévoile sa face hideuse lorsque la forme prends le pas sur le fond. Ses lieux de manifestation favoris sont la rétrospective et le stand-up. En focalisant sur la routine et la tyrannie du chronomètre, l’équipe finit par perdre de vue le contenu lui-même :
- Quel intérêt offre l’information sur ce que j’ai fait ? En quoi cela va aider un de mes équipier à prendre une décision ? Cela va-t-il leur permettre de me donner un feedback qui va m’aider ?
- Les informations sur les problèmes que j’ai rencontré ou sur ce que je compte faire peuvent-ils influer d’une manière ou d’une autre sur l’adaptation tactique de notre plan d’action ? Cela peut-il aider mes collègues à me proposer leur aide, ou à moi-même de proposer la mienne ?
Quand pour la dernière fois avez-vous pensé à l’une des questions ci-dessus en prenant la parole lors du stand-up ?
C’est bien, vous utilisez le stand-up pour synchroniser l’information au sein de l’équipe. L’information échangée a de la valeur. Hélas, même là le stand-up peut dégrader la qualité de l’interaction au sein de l’équipe !
Quand le stand-up retarde la circulation de l’information
Pour certains, le stand-up est le moment réservé pour parler avec les collègues afin de ne pas déranger ceux-ci durant la journée. C’est plutôt une bonne idée : ne pas déranger ses collègues et ne pas perturber leur concentration pour une information qui peut attendre.

Mais toutes les informations ne peuvent pas attendre. Il y a des choix de conception qui peuvent impacter ce que font vos coéquipiers si ils dépendent du module sur lequel vous travaillez. Certains refactoring assez larges entrainent des modifications qui ne sont pas anodines pour vos voisins. Vous avez pu obtenir une information importante pour l’ensemble de l’équipe et qui remet en cause un de vos postulats. On pourrait trouver bien d’autres exemples.
Dans les cas que nous avons cité, attendre pour informer le reste de l’équipe est le meilleurs moyen pour générer du gâchis et du délais, sans parler de la frustration générée…
Bref le stand-up se transforme parfois en mécanisme pour traiter l’information en mode batch au sein de l’équipe. C’est exactement l’effet inverse de ce que nous souhaitons obtenir.
Alors le stand-up, c’est mal ?
Nous n’avons même pas évoqué le stand-up détourné, par exemple comme outil de pouvoir. Même utilisé dans son but premier, le stand-up peut avoir des effets contre-productif. Mais qu’essayons-nous de faire réellement avec le stand-up, au-delà du folklorique petit cercle ?
L’un des principes majeurs de Scrum, c’est « inspect and adapt ». Le stand-up est notre boucle de feedback journalière, comme je l’avais déjà évoqué. C’est un point de synchronisation qui nous permet d’adapter continuellement notre plan d’itération à une maille qui n’est pas plus longue qu’une journée. Et ce mécanisme est réellement important.
Pourrait-il prendre d’autres formes ? Sans doute. Déjà, lorsque les situations sont tendues il n’est pas rare de voir des équipes opérer spontanément des stand-up deux fois par jour. Des équipes très matures peuvent aussi développer leur propre protocole de resynchronisation au fil de l’eau, rendant le stand-up inutile.
La forme la plus simple à mettre en oeuvre du protocole de synchronisation reste le point journalier. Quand il opère son rôle de synchronisation et d’adaptation du plan d’itération, il est une pratique importante de n’importe quelle approche agile. Mais pas quand la forme prends le pas sur le fond et qu’il se transforme en une pantalonnade ou en reporting.