Note de lecture : Grace Hopper and the invention of the information age, par Kurt W. Beyer

Note : 7 ; Le souffle épique allié à la rigueur académique pour cette biographie passionnante.

Une biographie d’une des figures majeures de l’informatique publiée aux MIT press : on est en droit de s’attendre à un texte plutôt aride. C’est loin d’être le cas. Nous allons voir cela ensemble. Mais commençons par le commencement.

Cette biographie compte 320 pages, mais comme il s’agit d’un format « roman », le volume de texte est moindre que l’équivalent en livre informatique. L’équivalent serait de 250 pages, je pense. Le tout est découpé en 12 chapitres.

Le premier chapitre « the myth of the amazing Grace » est aussi le plus difficile à lire. Il est un peu en marge de la biographie elle-même. L’auteur y analyse avec le recul l’impact de l’amirale sur l’histoire de l’informatique et ce qui l’a conduit à mener ce travail de recherche. Il évoque la rationalisation et la démystification de son travail. La motivation est donc là : faire un travail de reconstruction objectif documenté et argumenté. Après cette lecture (et le peu de connaissance de l’histoire de Grace Hopper que j’avais alors), je dois dire que l’effet obtenu est tout à fait l’inverse !

Le second chapitre « The rebirth of Grace Murray Hopper » débute réellement la biographie. Il passe plus que rapidement sur les premières années de sa vie pour réellement débuter avec ses études de doctorante, puis de professeure en mathématique. Ceci, c’est pour la première partie du chapitre. Elle s’articule sur la seconde : son engagement dans la Navy et sa rencontre décisive avec le commandant Howard Aiken.

« The origin of computer programming », le troisième chapitre du livre et aussi le plus long ne se résume pas en quelques mots. L’auteur nous fait revivre les instants que ont amené Grace Hopper à créer et définir le métier de programmeur et même la découverte du premier bug ! C’est aussi l’histoire des obstacles qu’il a fallu surmonter, de la façon dont Grace Hopper a gagné le respect et la confiance de son supérieur dans un environnement extrêmement militaire et misogyne.

Après le guerre, de nouveaux défis attendent Grace Hopper, d’abord comme moteur du laboratoire de calcul d’Harvard puis comme animatrice des premières communautés de développeurs. Les chapitres 4 et 5 couvrent ces périodes.

Le symposium de 1947 sera l’occasion de faire germer une idée qu’elle portera malgré l’hostilité des développeurs : la conception de langages de haut niveau et le développement d’un compilateur. C’est dans les années 60 que la carrière de Grace Hopper atteindra son point culminant en dirigeant de main de maitre le comité à l’origine du Cobol.

L’ouvrage se veut sans concession, aussi bien sur les défauts et les faiblesses de celle que l’on pourrait considérer comme l’héroïne de cette biographie, que les qualités le travail et la persévérance dont a su faire preuve Grâce Hopper. Tout en gardant la rigueur académique exigée par l’exercice, l’auteur fait passer le souffle épique d’une période particulière : celle de la naissance de l’informatique par l’une des plus grandes figures, sinon la plus grande, de cette époque.

Une lecture parfois difficile, mais souvent éclairante et passionnante qui témoigne d’une époque.

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Référence complète : Grace Hopper and the invention of the information age – Kurt W. Beyer – MIT Press 2012 – ISBN : 9780262517263

Grace Hopper and the Invention of the Information Age (Lemelson Center Studies in Invention and Innovation series)

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Le Congrès Solvay de 1927

Le congrès Solvay 5ème du nom ayant pour thème “électrons et photons” reste le plus célèbre, d’une part parce qu’il permit la première rencontre entre Lorentz et Einstein mais surtout par l’impressionnant aréopage de sommités réunis à cette occasion. Je vous laisse découvrir les noms figurant sous la photo…

Note de lecture : Alan M. Turing, par Sara Turing

Note : 4 ; Point et contrepoint sur la vie d’Alan Turing

Les parents ne devraient jamais survivre à leurs enfants. C’est pourtant la mère d’Alan Turing qui signe la biographie d’une des plus grandes figures scientifiques du 20ème sciècle décédé à l’age de 42 ans.

En fait, le livre (quoique court) ne compte pas seulement la biographie écrite par Sara Turing. Sur les 166 pages du texte, seules un peu plus de 120 viennent de sa plume. La courte seconde partie est dédiée à deux essais sur le « computing machinery » et « morphogenesis ». S’ils aident en partie à comprendre l’œuvre d’Alan Turing, ils ne sont pas très faciles d’accès, surtout le second. Il faut aussi compter avec la contribution de son frère John qui compte une vingtaine de pages (j’y reviendrais) et aussi sur les 18 pages d’avant-propos qui donnent un éclairage un peu plus neutre.

Revenons sur le texte de Sara Turing.

Sara Turing a écrit cette biographie en 1959, soit 5 ans après le décès de son fils cadet et alors agée de 78 ans. Le texte compte 13 chapitres, chacun étant très court. Je n’ai pas trouvé ce texte facile à lire, le style est de l’anglais ancien qui m’a fait pas mal souffrir et le moins que l’on puisse dire est qu’il manque de souffle épique. On ne peut non plus espérer que ce texte soit objectif. Comme le dit son frère dans sa partie, la lecture donne l’impression d’un Alan Turing parangon de vertu, ce qui est quand même difficile à croire. Le texte est découpée en périodes de la vie du mathématicien. Ce sont surtout des faits et des annecdoctes plus que des pensées profondes. Le texte est décevant à cet égard. Les 4 ou 5 premiers chapitres sont même assez pénibles à lire, la chose s’améliore un peu ensuite.

J’aurais aimé une contribution plus conséquente de son frère John. Mais il n’a écrit ce chapitre que pour offrir un contrepoint à la prose de sa mère qu’il juge biaisée (j’avoue que c’est assez facile à admettre). Sa contribution n’est pas nécessairemnt objective non plus, car il est très critique à propos de son jeune frère à de mains égards, mais il l’est aussi à propos de lui-même. Ce texte se lit mieux et va plus en profondeur que celui de sa mère.

Il eut été illusoire d’aborder ce livre en pensant lire la « biographie définitive » d’Alan Turing. Sara Turing n’est pas une écrivain et le contenu est visiblement emprint de nombreux biais, et même révisioniste à certians égards. A aucun moment elle n’évoque son homosexualité, même si on ne saurait réduire le célèbre mathématicien à ce seul aspect de sa personnalité. Il complète certainement l’image que l’on pourra s’en faire, mais il convient de rester critique par rapport à cette lecture.

Alan M. Turing

Référence complète : Alan M. Turing – Sara Turing – Cambridge University Press 1959, 2012 – ISBN : 978-1-107-02058-0
Point et contrepoint sur la vie d’Alan Turing

Alan M. Turing: Centenary Edition

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Les fondations de l’approche waterfall

L’article qui suit, écrit en 1970 par Winston Royce, le père d’auteur du Software Project Management dont j’ai écrit la note de lecture est réputé comme l’article original décrivant le processus en cascade.
Il est aussi pointé du doigt comme dénigrant en fait cette approche en cascade !
La vérité est entre les deux, car Winston Royce dit bien qu’il croit dans le fameux diagramme de la figure 2, mais qu’il le trouve “très risqué”. Le reste de l’article est une description de ce que l’auteur propose pour dé-risquer cette approche. Cela comprends :

  • Des documentations à différentes étapes.
  • L’injection de simili-itératif entre étapes adjacentes.
  • L’implication des utilisateurs

Bien sûr les concepts sont passés de mode et l’article n’est pas non plus extrêmement facile à lire. Mais ça se fait quand même…

L’architecture de Von Neumann

“First draft of a Report on the EDVAC”, c’est ainsi que l’histoire gardera trace de la publication qui définira l’architecture des ordinateurs pour (au moins) les 70 années suivantes !

Une paternité contestée…

Il en va hélas souvent ainsi des contributions majeures. Ce papier a été publié le 30 Juin 1945. Ce travail est l’émergence des réflexions du mathématicien, sans aucun doute après avoir travail sur ENIAC d’une part, et sur le Mark I d’autre part. C’est sans doute la raison pour laquelle Eckler et Mauchly contestent l’originalité des idées de Von Neumann, alors même que l’ENIAC n’était pas réellement un ordinateur programmable, mais plutôt recevable.

De l’autre côté, il semble qu’Howard Aiken, le père du Mark I qui lui était bien programmable n’ait jamais pris de position de controverse !

L’article

Je pense pour ma part qu’il faut rendre à Cesar ce qui est à César. Certes, Von Neumann n’a pas tout inventé, mais Eckler et Mauchly d’une part et Aiken de l’autre ce sont aussi inspirés de prédécesseurs : Vannevar Bush et même avant cela Babbage !

L’article que je met à disposition ici n’est pas l’original, mais une reproduction fidèle, le texte étant lui l’original, avec une mise en page aussi fidèle que possible à l’originale. L’IEEE est à l’origine de cette reproduction faite en 1993.