Note : 6 ; La référence sur la psychologie de l’expérience optimale
Le titre Français rend bien peu justice à ce texte dont le titre anglais est bien plus pertinent. Je me devais d’aborder cet ouvrage abondamment référencé par d’autres auteurs traitant de psychologie, mais aussi nombre de références sur le management !
Le livre n’est guère impressionnant de prime abord : certes 300 pages, mais en format poche, il ne compte que 11 chapitres. Le premier chapitre traite de la qualité de l’expérience vécue, sujet qui est en fait un marchepied qui nous conduite vers le sujet au cœur des recherches de l’auteur : la théorie de l’expérience optimale. Elle nécessite de remonter aux sources de l’insatisfaction, comme ne plus trouver plaisir dans le présent, la désillusion suite à la prise de conscience de la futilité de nos quêtes… La solution réside en ce que l’auteur appelle la « maitrise de la conscience », un concept qu’il va développer par la suite.
Le fonctionnement de la conscience est le sujet du second chapitre. Ce n’est pas un chapitre très facile à aborder, sa structure n’est guère linéaire. Il aborde des notions aussi diverses que la théorie de l’information, le « soi » et le désordre de la conscience. On revient toutefois sur l’expérience optimale, la partie la plus intéressante du chapitre, où l’on voit qu’une même tâche peut s’avérer ennuyeuse pour certains et épanouissante pour d’autres en fonction de l’aspect intentionnel du geste. Le chapitre 3 va chercher à caractériser cette expérience optimale. L’auteur fait d’abord un détour vers la notion de plaisir qui ne participe pas à la « self actualisation ». Les 8 caractéristiques qui caractérisent cette expérience optimale se retrouvent dans le modèle de Ryan et Decci : défi, maitrise, focus, clarté de l’objectif, engagement, contrôle, feedback immédiat. Plus original est la notion d’altération de la perception de la durée qui caractérise ce que l’auteur appellera le flux. Le reste du chapitre décrit de manière claire et intéressante ces 8 caractéristiques.
Le chapitre 4 est dédié aux activités autotéliques, les activités qui sont réalisées à seule fin de l’intense satisfaction qu’elles procurent (à ne pas confondre avec le plaisir, on l’aura compris). L’auteur nous partage l’aboutissement de ses travaux sur les facteurs influençant cette satisfaction : type d’activité, environnement, organisation du temps et surtout le rapport exigence de la tâche / capacités qui forme le fondement de la notion de « flux ». L’influence de la culture et de la civilisation qui ferme ce chapitre m’ont moins accroché. Existe-t-il des personnalités autotéliques et si oui, quelles sont leurs aptitudes particulières ? En répondant « oui » d’emblée Csikszntmihalyi pointe d’emblée la capacité de concentration (et à contrario les troubles de l’attention) au début de ca chapitre 5. Le développement se poursuit par les facteurs neurophysiologiques sur le contrôle de la conscience issu des travaux de Hamilton, mais je me demande si les facteurs sociaux externes avaient bien leur place dans ce chapitre… La fin du chapitre s’intéresse à des personnalités (souvent célèbres) autotéliques pour conclure qu’afin de rester « saines » elles doivent changer de vie! Un chapitre intéressant mais décousu.
C’est de l’expérience optimale par le corps dont il est question au chapitre 6. Bien sûr il est question du sport, où le rapport tâche / capacité a un sens particulièrement pointu, mais pas seulement. On y parle lancer de tronc d’arbre chez les Suisses, dance en discothèque et même sexualité. A l’exigence physique, vient s’ajouter la joie du mouvement bien accompli ou la combinaison psychisme / physique (dans le cas de l’activité sexuelle). L’auteur étend cette expérience au champs sensoriel : vue, ouï, goût… Mais j’ai bien du mal à comprendre où nous mène le propos ! C’est à l’autre extrémité que s’intéresse le chapitre 7 : l’expérience optimale par l’esprit. J’ai eu bien du mal à relier le propos au sujet, sauf quand il est question des « délices de la sciences ». Mais je rejoins l’auteur sur l’utilité, et même la nécessité d’apprendre sans discontinuer une fois quitté les bancs de l’école, car c’est une source d’enchantements. Vous qui lisez mes notes de lecture, vous n’aurez pas de mal à comprendre mon point de vue à ce sujet !
Nous quittons l’exploration des facettes de l’expérience optimale pour regarder de plus près le paradoxe travail-loisir au chapitre 8. Bien sûr il y est question du travail source d’épanouissement et donc d’expérience optimale, qui peut le rendre indiscernable du loisir. Mais plus éclairant est le propos concernant les personnalités autotéliques, capables de transformer un travail inhumain en source d’épanouissement, en état capable de de considérer ce travail non plus comme une contrainte mais comme une source d’expérience ! En creux, l’auteur pointe les facteurs empêchant cette expérience optimale : le manque de variété, les conflits interpersonnels et l’épuisement. Un chapitre plus riche d’enseignement qu’on aurait pu le penser de prime abord. Solitude et relations avec autrui sont au menu du chapitre 9. Je l’ai trouvé assez décevant, une partie consacrée à la solitude apprivoisée sauve un peu l’ensemble qui, comparé au reste du livre, est trop empreint de platitudes.
La victoire sur le chaos, titre du chapitre 10, semble plein de promesses. En s’appuyant d’abord sur les victimes d’accident handicapant ayant surmonté leur drame, l’auteur identifie les facteurs de transformation en expérience optimale : l’assurance non portée sur soi, l’attention portée sur l’extérieur et la découverte de nouvelles solutions. Il s’agit de transformer des situations difficiles, objectivement insupportables, en expériences subjectives porteuses de possibilités. Le chapitre s’éloigne un peu des aspects intrinsèques de l’expérience optimale pour donner un aperçu des possibilités. Bref, cela commence à faire « secte ». Le dernier chapitre « donner un sens à sa vie » s’inscrit un peu en continuité. Mais il nous donne quelques clés intéressantes : donner un sens à sa vie, s’engager dans ce que nous faisons et entretenir l’harmonie intérieure.
Ce livre est un effort de vulgarisation de son travail par l’auteur. N’oublions pas qu’il s’agit d’un ouvrage de psychologie. C’est surtout le concept de « flux » qui m’intéresse plus particulièrement, le propos global à orientation psychologique peut rendre la lecture de l’ensemble un peu frustrante.
Référence complète : Vivre – Mihaly Csikszentmihalyi – Robert Lafont 2006 (V.O. : Flow ; Harper 1990 ; ISBN: 978 0 06092043 2) – ISBN : 978 2 266 16913 4
