Note de lecture : Measure What Matters, par John Doerr

Note : 7 ; Des story-tellings inspirants autour des OKRs

Ce n’est pas le livre par lequel tout a commencé, mais bel et bien celui qui a popularisé les OKRs ! L’auteur ne m’était pas connu avant, mais son parcours de business angel est plus qu’impressionnant. Pourtant c’est aux côtés d’Andy Groove, chez Intel qu’il a vécu et découvert la démarche OKR.

Avec 250 pages, il s’agit d’un texte qui fait la part belle au narratif et se lit vite. Il est structuré en 2 parties pour un total de 21 chapitres. La première partie « OKR in action » couvre 170 pages pour 14 chapitres. Le premier chapitre « Google meets OKR » nous raconte comment l’auteur a introduit cette pratique à la génèse de cette compagnie. Un bien beau story-telling qui nous aide à comprendre l’intérêt de la démarche.

On remonte un peu le temps avec le chapitre 2 consacré au véritable père des OKRs : Andy Grove. C’est un morceau d’histoire passionnant que nous livre ici l’auteur, non seulement celle d’Andy Grove que l’auteur admire, mais celle d’Intel. C’est aussi l’occasion de comprendre comment cette approche se démarque du MBO de Peter Drucker. A ne pas rater. Le chapitre 3 « operation crush » raconte comment Intel a mis en œuvre son approche OKR pour abattre son adversaire Motorolla dont le processeur 68000 était pourtant largement meilleur que le 8086 ! Une histoire contée par Bill Davidow qui s’inscrit dans la suite du chapitre 2.

Avec le chapitre 4 on aborde la démarche proprement dite avec le super-pouvoir n° 1 : le focus et l’engagement (j’ajoute : obsessionnel) sur les priorités. Il nous invite à comprendre ce qu’est un bon OKR et comment les Key results s’articulent sur l’objectif. C’est sur le Focus que le chapitre 5 met un coup de projecteur avec l’histoire de Remind, racontée par son co-fondateur Brett Kopf. Sa démarche est emprunte de Lean Startup auquel se conjugue les OKR. Les deux frameworks sont complémentaires. L’histoire de Nuna racontée par son co-fondateur Jini Kim va évoquer le volet engagement. Sans doute serait-il plus juste de parler de dévouement à un cause ? Quoi qu’il en soit le récit est inspirant.

Le superpouvoir n° 2 est l’alignement et la connexion des équipes, il est évoqué au chapitre 7. Il traite le sujet épineux de la déclinaison des OKRs stratégiques en OKR tactiques, met en garde contre le « top down » aux douces odeurs de MBO mais propose également des pistes. Indispensable. Ce superpouvoir est illustré au chapitre 8 par l’histoire de MyFitnessPal racontée par Mike Lee, l’un de ses co-fondateurs. Ici, on comprend la nécessité d’aider les collaborateurs à comprendre ce que l’on attend d’eux en termes de contribution, ainsi que les impacts de le réorientation des objectifs suite à l’acquisition par Under Armour. Avec Intuit, au chapitre 9, ce sont d’autres challenges d’alignement qui sont évoqués pour cette société déjà bien établie. Ici c’est l’alignement horizontal à travers toutes les divisions qui constitue l’originalité de cette histoire.

Place au superpouvoir n°3 au chapitre 10 : traquer la responsabilisation. Et non, je n’aime pas le verbe « traquer », d’ailleurs en fait il s’agit plutôt de rendre leur progression transparente à tous les niveaux, ce qui implique une mesure et c’est là un des thèmes du chapitre. Si jusqu’ici on s’est évertué de créer un sens et un alignement, c’est la progression qui est ici le thème central. C’est la Gates Foundation qui va illustrer ce propos au chapitre au travers du récit de Patty Stonesifer et de Bill Gates. Un chapitre trop court hélas.

Le superpouvoir n°4 qui est au cœur du chapitre 12, c’est d’étirer les objectifs vers l’incroyable. L’esprit des OKR n’est pas de se maintenir dans sa zone de confort, mais au contraire d’aller chercher un objectif audacieux, un peu effrayant et captivant. En cela ils satisfont la « réalisation du soi » de Maslow. L’auteur parvient à faire passer son message, pourtant pas si simple à appréhender. Celui-ci est illustré au chapitre 13 par l’histoire de Google Chrome que nous délivre Sundar Pichai. L’histoire ressemble en partie à celle d’Intel en termes de volonté de dominer, sauf que la motivation ici est de créer un browser reproduisant la réactivité du feuilletage d’un magasine ! Pour aussi intéressante qu’elle soit, cette histoire n’illustre pas de manière marquant le « stech goal », mais celle de Susan Wojcicki avec Youtube au chapitre 14 le fait très bien. Ici le stretch goal est venu quand ils ont changé de métrique, passant du nombre de vues au temps de visionnage, produisant in fine le décollage que l’on connait…

La seconde partie est plus courte, avec 70 pages sur 7 chapitres et s’intitule « un nouveau monde du travail ». Elle s’ouvre sur un chapitre 15 consacré à la gestion de la performance où un nouvel (et moins connu) outil est introduit : le CFR, pour Conversations, Feedback et Recognition. Il s’agit en fait ici d’étendre la démarche OKR aux ressources humaines. Cette démarche est illustrée chez Adobe, par la Donna Morris qui corrèle cette nouvelle approche avec une diminution drastique du turnover ! Zume Pizza, la « pizza artisanale robotisée » nous explique comment les OKR ont engendré plus d’engagement, de meilleures conversations et finalement de meilleurs leaders en la personne des deux co-fondateurs.

C’est justement de culture dont il va être question au chapitre 18. Elle s’articule autour de 5 points que développe l’auteur et qui plongent leurs racines chez Intel. Il est surtout question de sens et de responsabilisation. Ces éléments ont beaucoup été évoqués précédemment, c’est donc une synthèse et l’occasion d’entendre cela par la bouche de l’ancien CEO de Coursera ! Lumeris, au chapitre 19, poursuit cette illustration du changement de culture. Disons que c’est intéressant, mais sans plus. On attendait depuis longtemps l’histoire de Bono, le chanteur de U2 et fondateur de DATA. Il nous narre la manière dont les objectifs élevés ont conduit la progression du groupe puis de son ONG. C’est en fait surtout intéressant parce que c’est Bono qui en parle.

Les 2 pages du chapitre 21 formant la conclusion auraient pu être plus excitantes et nous donner la perspective des OKR à plus grande échelle encore. L’auteur est bien placé pour cela, mais on rate hélas cette occasion.

Ce livre n’est pas un mode d’emploi des OKR, bien que de nombreuses clés nous soient données. Son but est de nous permettre d’appréhender la philosophie de cette démarche, sa vraie nature. Le texte y parvient grâce à un propos clair et bien articulé. L’impressionnant carnet d’adresse de l’auteur nous permet de bénéficier d’un défilé de célébrités venant témoigner. Ce n’est pas la moindre des qualités de ce livre que je recommande sans réserve.

https://www.goodreads.com/book/show/37702964-measure-what-mattersRéférence complète : Measure What Matters – John Doerr – Penguin Random House LLC 2018 – ISBN: 978 0 525 53834 9

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