Note : 7 ; De l’entreprise libérée au leadership libérateur : inspirant, mais que de répétitions !
Ce livre, c’est un peu l’after de « Liberté & Cie ». La forme est différente ici, car si l’objectif de l’ouvrage est clair, mettre l’accent sur le « leader libérateur » comme moteur de l’entreprise libérée, ce n’est pas un texte spécifiquement écrit pour ce volume que nous avons là, mais un ensemble de textes et d’articles rassemblés. Si ce point est évoqué, il n’est pas non plus complètement assumé, et l’auteur parvient assez bien à gommer ce point à une exception notable près.
L’ouvrage pèse un peu moins de 480 pages d’une lecture très agréable. Les textes sont regroupés en 7 chapitres. Le premier d’entre-eux concerne le leadership libérateur comme moteur de la libération des entreprises. Ses 90 pages sont les plus intéressantes du livre, à mon avis. L’auteur y revient sur l’histoire de l’entreprise libérée, celle-ci remontant à Bill Gore en 1958, puis Douglas McGregor et d’autres « libérateurs de 1ère génération ». Puis on évoque naturellement les libérateurs de 2ème et 3ème génération. Ce qui forme le cœur de ce chapitre, c’est le profil du « leader libérateur » et les conditions nécessaires pour réussir cette transformation. Et la méthode ? Il n’y a pas de méthode ! Mais il y a la nécessité de définir une réelle finalité de l’entreprise, ce que l’auteur appelle la « vision-rêve ».
Le second chapitre « l’entreprise libérée est une philosophie » nous apporte nettement moins de matière neuve. J’en garde 4 éléments clés : tout d’abord le moment « eurêka » du leader-libérateur, soit de l’admiration ou de l’exaspération (avec une préférence pour le second) et le modèle d’entreprise de McGregor, comme source de motivation intrinsèque. Ensuite, les défis du leader libérateur qui doit se libérer de son égo et partager une vision de son entreprise, et enfin le nécessaire « saut en parachute » qui va rendre inéluctable la démarche.
Le chapitre 3 est un manifeste contre les modèles ! Il n’y a pas de modèle d’entreprise libérée. Il faut même se désintoxiquer de la notion de modèle sous peine d’échouer. Le chapitre 4 pose lui la question de l’aptitude à devenir leader-libérateur. On retrouve un thème déjà développé, celui du leader débarrassé de l’égo, mais aussi du patron gardien des domaines régaliens que sont partager la vision et être le gardien (intransigeant) des normes. Enfin y est abordé avec plus d’emphase la nécessité d’abandonner les hiérarchies au profit de « l’entreprise des pairs ». Ce qui apparaissait dans le chapitre précédent se manifeste plus intensément ici : nombre de répétition sur les concepts et les exemples, trait hérité du fait qu’il s’agisse d’une compilation d’articles.
C’est une vingtaine de pages seulement que couvre le chapitre 5 sur les bénéfices de l’entreprise libérée. Là aussi beaucoup de répétitions pour nous synthétiser deux choses : les bénéfices sont humains, la performance économique est une résultante bienvenue mais non recherchée. Le chapitre 6 traite des enjeux de l’entreprise et en premier lieu des enjeux RH, avec un chapitre consacré à la rencontre avec Laurence Vanhée. L’autre sujet majeur est l’innovation. L’auteur y défend que la libération de l’entreprise y soit un préalable pour que l’innovation provenant de tous les salariés puisse s’exprimer, et non une innovation « de commande » cantonnée à une cellule qui lui est consacrée. Évoquons aussi avec fierté la section consacrée à l’agilité dont l’auteur loue les vertus et sa capacité d’initier un mouvement de changement « bottom-up » !
Les enjeux sociétaux sont au cœur du chapitre 7 et la partie la plus importante de celui-ci est consacré à l’éducation. En fait cette partie aurait due paraitre à l’origine dans « Liberté & Cie » et est réellement passionnante. D’abord parce qu’elle nous donne une perspective sur le « modèle prussien » aujourd’hui en vigueur et ensuite parce qu’elle nous donne quelques clés sur les modèles alternatifs : école Montessori, Waronker, Mitra et Freinet. Là encore l’auteur pointe la nécessité de s’organiser en fonction de la finalité et non d’un modèle. La lutte contre le terrorisme ou les perspectives au niveau de l’état français sont beaucoup moins convaincantes (et travaillés).
Lire Isaac Getz est intéressant et inspirant. N’espérez pas cependant le même effet que Liberté et Cie. L’auteur a choisi de conserver ses textes originaux tels quel et je pense que c’est une erreur. L’ouvrage est fait pour être lu linéairement et il aurait été bon d’en éliminer les répétitions et de créer plus de liant d’un sujet à l’autre. Le volume serait passé de 480 à 300 pages environ, mais la qualité de lecture et la force du texte en auraient été renforcés.
Référence complète : L’entreprise libérée – Isaac Getz – Fayard 2019 – ISBN : 978 2 818 50587 8