Note : 8 ; Les petites et grandes histoires du début de la micro-informatique racontées et témoignées de manière passionnante.
C’est un livre d’histoire. D’histoire contemporaine pour être plus précis, qui couvre essentiellement le début des années 70 jusqu’au début des années 90. Ou devrais-je plutôt appeler cela une épopée : celle de la naissance du micro-ordinateur, jusqu’à sa banalisation qui coïncida avec l’avènement d’Internet et la banalisation des micro-ordinateurs devenus objets de grande consommation.
Ce n’est pas une lecture légère : le livre au format classique des ouvrages d’informatique concède près de 380 pages mais presqu’exclusivement de texte. Ramené au format classique, on est plutôt entre 500 et 600 pages. Fort heureusement, c’est fort bien écrit, les auteurs ont de réels talents de story tellers. Normal me direz-vous, pour des journalistes.
L’ouvrage est organisé en 10 chapitres, qui sont donc chacun assez conséquents. Ils ne suivent pas un ordre strictement chronologique, mais sont plutôt thématiques. Ces thèmes étant quand même séquencés globalement chronologiquement.
Le premier chapitre, déjà est un régal. Il nous emmène sur une trentaine de pages, depuis la machine de Babbage jusqu’au CP/M et aux premiers hacks de Bill Gates. En fait, les 5 dernières pages mangent déjà un peu sur la suite du livre. Je me serais bien arrêté à l’Eniac. Le véritable démarrage de l’épopée est au crédit du chapitre 2 : la naissance, la gloire et la mort de l’Altaïr. Même s’il n’est pas le premier micro-ordinateur (un privilège qui revient au Micral Français). A l’Altaïr succède (ou suit) IMSAI, puis l’auteur se tourne vers les geeks, plus précisément le Homebrew Computer Club, son apôtre de la contre-culture, Lee Felsenstein et ses membres de la première heure tels que Steve Wozniak. Plus que tout autre, c’est lui qui sera à l’origine du foisonnement de hobbist et de petits constructeurs artisanaux en tout genre dans la seconde moitié des années 70.
Rapidement le nouvel eldorado de la micro-informatique va émerger : le logiciel ! Dans ce cinquième chapitre, le texte évoque les débuts des premiers jeux, du premier OS micro, CP/M, de Visicalc … et de Microsoft ! On reviendra plus tard sur Microsoft. On y parle aussi d’Oracle et d’un Larry Ellison déjà fort peu fréquentable. Le chapitre 6 est un coup de cœur de Michael Swaine je pense : c’est l’émergence des magazines informatiques qui est abordée ici.
Bien entendu, Apple se devait d’avoir son propre chapitre, et il est conséquent. Il est tentant de le mettre en perspective avec la biographie de Steve Jobs, mais l’angle est différent. On y parle du « work of art » de Wozniak et des péripéties ayant émaillée la vie de l’Apple II plus que l’on évoque le MacIntosh. Concernant ce dernier, les auteurs nous replongent dans les années 60 pour en connaitre la genèse, et l’incroyable « Mother of all demos de Douglas Engelbart ».
Ayant évoqué Apple, le chapitre suivant se devait d’être consacré à Microsoft. J’y ai appris de nombreuses choses sur la genèse de l’association de Bill Gates avec Microsoft ayant abouti à la création de l’IBM PC. Une histoire passionnante.
La fin du livre est plus empreinte de nostalgie. On y voit l’ordinateur individuel y devenir une commodité. On y voit aussi apparaitre Internet, les auteurs ayant décerné un rôle plus important à Marc Andreesen qu’à Tim Berners Lee qui n’a guère droit qu’à un paragraphe. Le dernier chapitre « The Post-PC Era » me donne l’impression de voir se dissoudre la communauté de l’anneau ! Les héros que l’on a vu apparaitre aux premiers chapitres disparaissent, tout comme se délite le PC définitivement relégué au rang de commodité, Internet et le cloud étant le nouvel Eldorado.
Je l’ai dit au début, ce livre est une épopée, c’est une histoire composée d’une myriade de petites histoires, construite autour d’hommes auxquels les auteurs parviennent remarquablement à donner vie par le biais d’anecdotes et de témoignages. Le tout fourmille de détail et de vie et en fait un récit passionnant. Attention toutefois, la lecture est bien plus longue qu’il n’y parait au premier abord.
Référence complète : Fire in the Valley, 3rd edition – Michael Swaine & Paul Freiberger – Pragmatic Bookshelf 2014 – ISBN: 978 1 93778 576 5