Note de lecture : Working Backwards, par Colin Bryar & Bill Carr

Note : 8 ; Comprendre ce que veut dire « être un Amazonien » !

Amazon ressemble parfois à un royaume mystérieux : immense et presque tout puissant, on ne sait pas trop comment cela fonctionne à l’intérieur, bien que des échos ou des bribes d’information parviennent parfois à nos oreilles. Cet ouvrage est le seul à nous ouvrir les portes pour nous faire découvrir comment le développement de produits fonctionne chez le géant du retail, et surtout nous faire appréhender le mode de pensée et les principes sous-jacent. Ils sont un fil rouge de l’ouvrage, ce que les auteurs appellent « être un Amazonien ».

L’ouvrage est de format moyen et compte 260 pages pour 10 chapitres. Ils sont structurés en deux parties inégales. Surtout la couverture brune un peu cheap et le papier peu blanchit nous plongent par anticipation dans l’univers Amazon ! La première partie « Beeing Amazonian » compte 6 chapitres et va nous distiller les principes et pratiques de la société, adossé à nombre d’histoires qui en illustrent la mise en œuvre. Le tour d’horizon des principes, c’est justement le thème du premier chapitre, « building blocs ». Bien qu’assez court, il nous présente par le menu les 14 principes de leadership de l’entreprise ainsi que les mécanismes de fonctionnement qui seront développés par la suite. C’est un chapitre d’introduction qu’il ne faut pas rater, mais aussi le seul qui ne s’appuie pas sur des exemples. Le second chapitre développe les principes et modalités de recrutement de l’entreprise, le « bar raiser ». J’y trouve une confirmation de mes idées : quelque soient les besoins, il n’y a pas d’allègement ou de voie rapide à un processus particulièrement coûteux, pas non plus de dérogation au niveau d’exigence technique mais surtout culturel dont est garant le « bar raiser », car en toute chose Amazon inscrit sa pensée sur le long terme, ce qui inclut le mode de rémunération.

Au chapitre 3, on aborde les principes d’organisation et on y apprend au passage que le fameux « 2 pizzas teams » n’a jamais été généralisé et est désormais un concept du passé. Place au « single threaded leader » ! Pour en résumer le principe : quand une initiative est lancée, son leader a une autorité suffisante pour prendre les décisions et cette initiative est son seul boulot, il n’y a pas de « leadership à temps partiel ». Mais l’aspect qui a le plus retenu mon attention est la gestion, ou plus exactement la non-gestion des dépendances. Ainsi la première étape de chaque initiative devient le chantier d’architecture pour mettre fin à ces dépendances pour mettre fin aux interdépendances entre équipes. La communication est au menu du chapitre 4 et les auteurs nous y introduisent le « 6 pagers » : il n’y a plus de présentations Powerpoint chez Amazon, tout est remplacé par des notes rédigées que sont lues individuellement mais ne font pas l’objet de présentations. Le narratif est d’ailleurs un thème récurrent de la culture Google, nous allons le voir dès le chapitre suivant.

Le chapitre 5 est éponyme de l’ouvrage : le « working backwards » est symptomatique de la démarche Google. Le « press release + FAQ » incarne la manière dont les produits sont pensés chez le géant du retail. Non seulement il illustre parfaitement l’obsession client de Jeff Bezos pour qui l’expérience utilisateur passe avant toute autre considération, mais l’élaboration de ce press release est lui-même un processus de découverte au terme duquel seule une minorité de produits émergent. Ce concept est illustré par le press release du Kindle, un exemple particulièrement marquant. Le chapitre 6 qui conclut cette première partie est aussi le moins passionnant à lire. Une grande partie de ce chapitre se focalise sur la différence entre les « ouput metrics », qui sont les effets induits du projet et ne peuvent servir à les piloter, et les « input metrics », en lien direct avec l’impact recherché. Le propos est malheureusement un peu poussif, mais on retiendra le « value flywheel » qui servira d’inspiration à David Anderson pour son ouvrage.

La seconde partie « The invention machine at works » nous propose 4 chapitres qui sont autant d’histoires sur des projets marquants d’Amazon, illustrant les principes énoncés en première partie. C’est le Kindle qui ouvre les hostilités. Il illustre plusieurs concepts de la démarche Amazon, mais plus particulièrement deux d’entre-elles. Tout d’abord le press release, qui a été élaboré sans préjuger de la manière dont la société allait adresser ce formidable challenge. Le second est la puissance de l’obsession client : elle a conduit Bezos a faire évoluer de manière radicale le modèle de l’entreprise pour à la fois devenir un acteur des médias numériques et investir résolument le développement et la production de hardware ! C’est Amazon Prime qui est abordé au chapitre 8. C’est le plafonnement de la croissance qui a conduit à proposer ce programme de fidélisation. Là encore c’est l’obsession client qui a abouti à sa création, mais c’est surtout la pensée à long terme qu’illustre particulièrement cette épopée.
Dans la continuité de l’histoire précédente, voici Prime Video. Là aussi, cette nouvelle offre est le fruit de la pensée long-terme, non seulement pour ne pas délaisser le marché du média numérique aux mains d’Apple et de Netflix, mais également en incluant cette offre dans Amazon Prime. Cette histoire illustre aussi la prévalence du « single threaded leader ». L’ouvrage se referme (presque) sur AWS, l’autre grand succès d’Amazon. Les prémices du projet sont particulièrement édifiantes, car AWS a commencé en tant qu’API sur le site eCommerce, avec une première « conférence » ayant rassemblé 8 développeurs (dont un ado) mais durant laquelle Jeff Bezos est intervenu ! Car un projet embryonnaire peut attirer d’avantage l’attention du fondateur qu’un business se chiffrant en milliard si un potentiel immense se profile à un horizon même décennal.

Les deux auteurs ont quitté Amazon depuis un moment, et c’est sur « être un Amazonien en dehors d’Amazon » qu’est dédié la conclusion. Ils nous donnent des directions pour cela. Et le propos laisse clairement apparaitre que même en ayant quitté la société, ils restent Amazoniens pour toujours.
Connaitre et comprendre le fonctionnement d’Amazon est un enseignement de premier ordre. Certains de ces concepts tels que l’obsession client sont incontournables si l’on veut s’inspirer de la compagnie de Jeff Bezos. D’autres sont disruptifs mais faciles à copier tels que la fin du Powerpoint. Il reste enfin les principes assez challengeant à imiter comme la vue à très long terme. Quel que soit votre centre d’intérêt, cette lecture est celle qui vous donnera les informations et les réponses les plus pertinentes.

Référence complète : Working Backwards – Colin Bryar & Bill Carr – St Martin’s Press 2021 – ISBN : 978 1529033847

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