Note : 9 ; Agile sous steroids! Book of year 2023 !
Est-il possible de créer un cadre de fonctionnement des projet IT où le facteur limitant devient la capacité du métier à avoir des idées assez rapidement ? C’est bien évidemment le sujet du présent ouvrage. Le « volant d’inertie » qu’évoquent les auteurs est un cycle en 4 parties qui forme la structure du livre. Pour donner l’effet d’accélération promis, ils s’appuient principalement sur deux outils. Le premiers est méthodologique: ce sont les « Wardley Maps » qui permet de définir une trajectoire fonctionnelle et technique. Le second est technique : c’est le Serverless dans l’environnement Cloud.
Le texte est structuré en 5 parties : les 4 phases de la roue d’entrainement précédé d’une introduction. Au total, ce sont 250 pages hors annexes structurés en 20 chapitres. La première partie « starting the expedition » compte 4 chapitres sur 60 pages et sera majoritairement consacré à la présentation des Wardley maps. Mais le premier chapitre sera l’introduction de l’introduction, avec une vue générale des 4 phases de la roue. Un chapitre honnête.
Les chapitre 2 et 3 sont consacrés à la Wardley map. Le chapitre 2 en est l’introduction, balayant tout d’abord les différentes approches de mapping stratégiques : OKR, business canvas, 6 pager, etc. Le chapitre 2 présente les principes généraux sans rentrer dans la pratique, mais nous gratifie du Wardley Map Canvas qui, à l’image d’un business canvas permet de cadrer le sujet. C’est le chapitre 3 qui développe la mise en œuvre en dévoilant progressivement les différents concepts. C’est une excellente introduction à l’outil. Le chapitre 4 qui clôt cette première partie via une mise en œuvre illustrée au travers d’un dialogue qui complète parfaitement le chapitre 3.
La seconde partie est consacré à la première phase de la roue, le « clarity of pupose ». Il est constitué de 4 chapitres sur 40 pages environ. Sur ce volet, les auteurs font le choix de s’appuyer sur le framework « north star ». Le chapitre 5 est dédié à l’exploration de quelques unes de ces approches, car si le North Star a la faveur des auteurs, ils nous en présentent quelques autres : impact mapping, opportunity tree et working backward. C’est instructif mais j’aurais préféré un traitement plus en profondeur du North Star. Le court chapitre 6 est consacré au « time to value », car la dimension temps est une composante de premier ordre de l’approche. Mais le chapitre est peu convaincant en la matière.
Le chapitre 7 est curieusement intitulé « map the market compétition », alors qu’il est en fait question de partir du sens que les auteurs connectent au Job to be Done mais en ne référençant pas le bon ouvrage de Clayton Christensen et en y associant intelligemment les Wardlay maps pour construire la chaine de valeur (je préfèrerais parler de « pile de valeur »), depuis le besoin métier jusqu’à la technique. Le chapitre 8 conclut cette seconde partie avec une courte étude de cas réelle : The Cloud Guru. Elle suffit pour rendre plus tangible les concepts exposés sans nous noyer dans des détails.
La 3ème partie entre en profondeur dans la phase 2 : challenge and landscape. Elle est forte de 4 chapitres sur une cinquantaine de pages. Elle s’ouvre sur un chapitre 9 consacré à l’environnement de l’équipe. Cet environnement s’articule sur plusieurs thèmes : le « work level » (l’exécution d’une commandite, la recherche d’un impact ou d’une apparence de respectabilité), le changement de culture du projet vers le produit et les changements comportementaux. C’est un chapitre touffu dans les finalités ne sont pas toujours claires, pas plus que ne l’est l’utilisation des Wardlay Maps dans ce contexte. Le propos du chapitre 10, sociotechnical system for change, est de traiter à égalité les aspects sociologiques (interactions et collaborations au sein des équipes) et le focus technique, pour résoudre et prévenir les problèmes. Le propos vise juste, mais reste trop superficiel. Le chapitre 11 n’est hélas pas en reste : il nous propose de cartographier les capacités de l’équipe en s’appuyant cette fois encore sur les Wardley Maps. Malgré l’intérêt du sujet, on reste sur notre faim. Cette partie se conclu sur l’étude de cas Wordgrid qui a manié de manière concomitante une migration vers le serverless et la transition vers des équipes produit polyvalentes.
La quatrième partie « next best action » est consacrée au Product manager. Elle couvre 50 pages environ sur 4 chapitres. Le chapitre 13 « the serversless-first edge », est comme son nom l’indique une promotion du serverless. Les auteurs sont d’ardents promoteurs de cette architecture, ils ne s’en cachent pas et le chapitre fait bien le travail pour traduire cela. Le « frictionless » développement qui suit s’inscrit dans la continuité. Le mot d’ordre est que le code handicape le développement ! Les auteurs nous renvoient vers les métriques DORA pour voyager plus léger et d’adapter des approches nous permettant d’automatiser plus et d’écrire moins de code. Nous voilà revenus vers le cloud.
Le chapitre 15 est consacré à la cartographie des solutions techniques. C’est une thématique toute trouvée pour mettre en œuvre les Wardley Maps. Les auteurs identifient un double apport des Wardley Maps : une mise en évidence des capacités qu’apportent les solutions techniques mises en œuvre, et une projection d’une architecture définitivement évolutive. Bref, une roadmap technique. Le chapitre 16 qui clôt cette partie est, comme les précédents, consacré à un cas d’étude. Ici, les auteurs jouent va-tout en exposant Liberty Mutual, l’entreprise où ils ont exercé leurs talents. Bien entendu cette expérience met en avant le serverless first vers lequel ils se sont résolument tournés et les bénéfices réellement convaincants qu’ils en ont retiré.
La dernière phase du volant d’inertie, la valeur à long terme, cible plus particulièrement le CTO. Cette partie s’ouvre sur un chapitre 17 consacré à la culture de la prévention des problèmes. Celle-ci s’appuie sur deux volets. Le premier est le « well architected framework » qui n’est ni plus ni moins que le cadre d’architecture serverless des différents fournisseurs cloud. Ils définissent 6 piliers pour l’évaluer (excellence opérationnelle, sécurité, fiabilité, performance, optimisation des coûts, durabilité). Le second volet est le processus SCORPS, qui promeut une logique d’amélioration s’adossant sur le framework technique. L’influence de la culture Lean y est très visible tout en donnant des éléments concrets de mise en œuvre sans tomber dans le prescriptif. Intéressant. Au chapitre 18, il est question d’innovation et de soutenabilité, c’est à dire comment combiner innovation et valeur long-terme. Le texte aborde différentes approches concernant ce sujet ont le cycle ILC (innovation, leverage, commoditize). Cela donne pas mal d’idées mais l’assemblage est un peu hétéroclite.
Le chapitre 19 évoque la cartographie de la valeur émergente. Bien sûr ce sont de nouveau les Wardley Maps qui vont être mises à contribution, en leur adjoignant un nouvel apport : les pipelines d’évolution. Construit autour d’un dialogue fictif, le propos ne change pas réellement la donne, ce serait plutôt une contribution notable. Cette dernière partie se clôt par une étude de cas mettant en scène la BBC. Cette fois encore, c’est le serverless qui est mis en avant, mais cette étude de cas n’ajoute guère à ce qui a déjà été dit et montré.
L’ouvrage est très riche et le niveau des réflexions que les auteurs nous partagent est très loin d’être une nouvelle redite des poncifs habituels. Il y a beaucoup à s’inspirer et utiliser de ce qui est proposé ici, à commencer par les Wardley Maps et le serverless, bien sûr. Le modèle de la roue d’entrainement me laisse plus dubitatif et sur ce point l’ouvrage ne m’a pas convaincu. Il reste un si ce n’est le texte le plus marquant de l’année en ce qui me concerne.
Référence complète : The Value Flywheel Effect – David Anderson with Mark McCann & Michael O’Reilly – IT Revolution 2022 – ISBN : 978 1 950508 57 0
