Note de lecture : A Radical Enterprise, par Matt K. Parker

Note : 6 ; Une tentative de framework d’entreprises auto-gérées, qui synthétise quand même beaucoup d’idées intéressantes

La première question qui se pose à propos de cet ouvrage est : radical en quoi ? L’auteur y répond assez vite, il s’agit d’entreprises radicales en collaboration et en auto-organisation ! En fait, le sujet nous connecte assez rapidement avec l’entreprise libérée d’Isaac Getz et surtout le Reinventing Organization de Laloux dont il reprend une bonne partie des exemples. Mais alors que ces derniers ouvrages empruntent l’angle entrepreneurial, ce sont les codes de fonctionnement qui sont le centre d’intérêt ici.

Le livre n’est guère impressionnant, avec son format réduit et ses 140 pages. Il se lit toutefois un peu moins vite qu’on le suspecterait. Il est structuré en 7 chapitres qui gravitent autour de ce que l’auteur appel « les 4 impératifs de la collaboration radicale », dont deux au moins ont des noms assez mystérieux :

  • Impératif n°1 : Team autonomy
  • Impératif n°2 : Managerial Devolution
  • Impératif n°3 : Deficiency gratification
  • Impératif n°4 : Candid vulnerability

Il est assez logique que le premier chapitre soit consacré au passage en revue de ces 4 impératifs. En réalité, ce très bon chapitre est pratiquement un « executive summary » nous dispensant la substantifique moelle des 4 impératifs. Je garde en particulier de ce chapitre les 6 dimensions de l’autonomie de l’équipe, je pense pouvoir en faire bon usage !

Le second chapitre est consacré à l’autonomie des équipes. L’auteur s’appuie ici sur l’exemple d’une entreprise Chinoise Haier, constituée d’un myriade de petites sociétés autonomes, de Durham Jet Factory, une usine assemblant des moteurs GE et d’autres encore. Ce chapitre relativement long détaille les 6 dimensions de l’autonomie évoqués précédemment. Le propos pourrait être plus solide, mais l’idée même de ces 6 dimensions et leur illustration en font un très bon chapitre.

Le troisième chapitre, « managérial devolution » est consacré à la bascule des responsabilités managériale vers les employés. Les exemples évoqués sont Gore (qu’on ne présente plus), Tim group mais surtout Matt Black qui me laisse bien plus perplexe. Dans ce dernier exemple, chaque employé est considéré comme un entrepreneur, avec son CA, ses dépenses et son salaire indexé sur sa marge : est-ce vraiment un cadre propice à une collaboration radicale. Si explorer jusqu’où l’on pousser la délégation des fonctions managériales est intéressant, les prémices de la réflexion, à savoir que les décisions aux mains des managers sont forcément un cadre coercitif est un peu rapide à mon goût. Quoi qu’il en soit, le chapitre fait le job de développer le propos et c’est aussi l’occasion d’évoquer l’holacratie. Donc un bon point, malgré que je sois en partie dubitatif.

Le chapitre 4 s’inscrit dans la continuité du précédent sur l’impératif numéro 2 en focalisant spécifiquement sur les aspects salariaux. Dans la continuité du management agile, l’auteur rejette l’idée d’un salaire facteur de motivation. J’ai aimé la transposition des biais cognitifs de Kahneman au salaire. L’auteur ne consacre que peu de pages aux 3 alternatives qu’il identifie. Une fois encore, l’une des trois est Matt Black dont les principes d’ultra-capitalisme me semblent peu enclins à favoriser la collaboration. Malgré cela c’est un très bon chapitre.

C’est l’impératif numéro 3 qui est au menu du chapitre 5. Quand l’auteur évoque la « deficiency gratification », il parle finalement d’empathie et de reconnaissance. Heureusement, cela est dévoilé dès le début du chapitre. Le besoin de reconnaissance nous renvoie à Maslow et le domaine de la psychologie positive qui est plutôt bien évoqué ici. Le texte nous propose quelques pratiques à mettre en œuvre. Elles me laissent un peu perplexes, mais sans doute devrais-je leur donner leur chance…

C’est bien sûr l’impératif numéro 4 qu’aborde le chapitre 6. Ce chapitre développe les 8 comportements de la « candid vulnerability », tels qu’ils sont mis en œuvre au sein de TIM group et par ailleurs développé dans Agile Conversations dont j’ai par ailleurs fait une note de lecture. Je ne qualifierai pas cette trame de révélation, mais une fois encore, le boulot est bien fait.

La conclusion est un perchée, l’auteur tente d’y répondre à une question : A quoi ressemblerait un mode de « radical collaborations » ? Bonne chance avec cela.

Le propos du livre était ambitieux. Au final, ces 4 axes sont de bons sujets de réflexion mais je doute qu’ils englobent la totalité de cette question de l’entreprise radicale. Ce framework est à mettre en perspective avec les écrits touchant l’entreprise libérée qui poursuit le même but, on voit alors qu’il y manque des ingrédients et que cette quête est loin de se limiter aux ingrédients. Bref, la lecture est sympathique, il ne faudrait pas en conclure cependant qu’il s’agit d’un texte définitif sur la question.

Référence complète : A Radical Enterprise – Matt K. Parker – IT Revolution Press 2021 – ISBN: 978 1 950508 00 6

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