Note 3 ; Assez court, mais finalement trop long pour conclure que « la valeur métier est ce que le métier décide de valoriser ».
Voici un livre qui n’hésite pas à aborder un sujet épineux : celui de la valeur métier. J’étais curieux de voir comment l’auteur allait aborder cette question qu’esquivent la plupart des auteurs, pour ne pas dire tous, ou la réduise à la mesure du ROI, ce qui n’est clairement pas satisfaisant.
L’opuscule, car on peut l’appeler ainsi, ne paie pas de mine avec son format réduit et ses 127 pages qui sont structurées en 7 chapitres. Le premier s’intitule « le problème », il pèse une quinzaine de pages et va en quelque sorte servir d’apéritif au reste de l’ouvrage. C’est bien de la difficulté à définir ce qu’est la valeur dont il est question ici. On n’est guère avancé, si ce n’est en mettant en avant la finalité (outcome) par rapport à ce qui est construit (output).
Le second chapitre va sans doute nous aider à progresser car il y est question du sens. On commence par y parler gros sous avec, au-delà du ROI la NPV (net present value). Heureusement, le propos s’étend au-delà de ces considérations pécuniaires avec la question de la valeur pour les ONGs. Au final on reste un peu sur notre faim, mais l’auteur nous promet de meilleures réponses dans les 2 chapitres suivants !
Cela commence par la question de la culture, abordée au chapitre 3. Et cela commence sérieusement à dévier du sujet initial, car c’est l’occasion pour l’auteur de nous livrer son hostilité à Scrum en général et au rôle de Product Owner en particulier auquel il préfère le concept de « W-Team ». En tout cas, on a bien perdu de vue le sujet initial. Au-delà de ce point, l’auteur cherche bien à construire la définition d’une culture agile, mais cela ne contribue guère au thème du livre.
Qu’en est-il du chapitre 4 consacré aux règles ? Le thème central en est la bureaucratie. Un sujet qui est abordé avec plus de finesse qu’habituellement en en évoquant l’intérêt pratique ! Il évoque le corolaire de cette bureaucratie, la conformité, ce qui nous rapproche doucement de la question de la valeur métier. Car la conformité aux règlementations de sécurité, par exemple, sont bel et bien porteuses de valeur.
Le chapitre 5 introduit un changement de direction radical : le CIO. Un poste que connait bien l’auteur pour l’avoir occupé de nombreuses années. Ici, le CIO a un rôle actif, car il doit démontrer la contribution de m’IT à la valeur métier et donc l’identifier. Pour autant, tout en éclairant son rôle d’acteur autour de cette valeur métier, ce chapitre ne fait guère progresser la question initiale.
On nous parle maintenant d’indice au chapitre 6. Si l’on pense un moment qu’un eurêka va émerger de la convergence des sujets apparemment décorrélés vus dans les chapitres précédents, il faut vite déchanter. L’auteur nous ré-entraine, avec délices pour lui et désespoir pour nous, dans les affres de ses propos sur le Product Owner ! Toutefois, le propos se rattrape en évoquant le scenario planning via un détour par le coût du délai. Mais il reste l’impression qu’il vaut mieux diriger notre lecture vers « the art of the long view » ! Au moins avons-nous le pointeur.
L’ouvrage se referme sur le chapitre 7 « the delivery ». C’est la dernière chance que nous avons d’obtenir une réponse satisfaisante. En fait, le chapitre nous délivre ce qui est promis dans le titre : comment construire un système qui nous donne un feedback pour mieux nous aiguiller ! Il développe ici ce qu’il appelle les « 8 jeux ». Qu’en est-il de la valeur métier ? L’auteur y répond au dernier paragraphe de son livre : « Finalement, il s’avère que la valeur métier est ce que le métier valorise, et c’est tout ». On aurait pu économiser 127 pages de lecture.
Le moins que l’on puisse dire et que l’ouvrage est décevant, surtout parce qu’il ne remplit pas sa promesse. Si l’on fait abstraction de cela, il ne manque pas d’idées intéressantes bien que le style d’écriture ressemble surtout à un vagabondage. On ne saurait mésestimer les très nombreuses références bibliographiques. Nombre d’entre-elles semblent mériter le détour. Mais ce n’est pas le cas de cet ouvrage.
Référence complète : The Art of Business Value – Mark Schwartz – IT Revolution Press 2016 – ISBN : 978-1942788041
