Note 9 ; Où l’on parle de leadership et d’organisation et où l’on montre que les deux sont liés ! Book of the year 2022 !

Cet ouvrage fait partie des incontournables. J’ai mis du temps à l’extraire de l’étagère où il prenait la poussière et j’ai sans doute eu tort. Le terme « tribal » fait référence au fameux nombre de Dunbar qui met en évidence la limite de taille des organisations en fonction du type d’interaction. Mais il ne sera question de Dunbar qu’au premier chapitre. La totalité du propos fait référence aux 5 étapes de développement d’une organisation selon un modèle mis en évidence par les auteurs. Et il vaut le détour !

Avec 250 pages structurées en 12 chapitres regroupés en 4 parties, l’ouvrage est de taille raisonnable et plutôt bien rythmé. Le propos est construit à la fois sur les histoires de sociétés et de leaders et sur un important de travail de recherche pour construire et valider le modèle que les auteurs nous présentent. La première partie est assez brève avec moins de 40 pages sur 3 chapitres, elle sert à nous présenter le système du tribal leadership. Le premier chapitre de cette partie « corporate tribes » porte assez mal son nom. Il s’agit plutôt d’un avant-propos au reste de l’ouvrage.

La véritable introduction est au chapitre 2 « the five tribal stages ». Comme promis dans le titre, après une intéressante mise en situation au Griffin Hospital, les auteurs introduisent brièvement les 5 étapes du tribal leadership. Tel un executive summary, on sait dès le début en quoi elles consistent, ce qui ne diminue pas l’intérêt de l’ouvrage. Ce chapitre met aussi en avant le focus de l’étude et du modèle : il est sur le langage employé et les interactions entre les personnes. Il s’agit d’un point clé et d’un enseignement majeur. Cette première partie se conclut par un court chapitre 3 qui nous décrit le reste du texte. Un élément que l’on trouve généralement dans l’avant-propos.

La seconde partie comprend 5 chapitres sur 110 pages qui nous feront voyager de l’étape 1 à l’étape 4. Le chapitre 1 est consacré au stade 1, qui ne se rencontre guère en entreprise, mais en prison ou dans les gangs de rue. On peut le résumé par « la vie, ça craint ». Ce postulat posé, il n’y a pas de limite, tout est permis pour survivre, la seule issue finale étant la prison ou la mort. Les auteurs nous aident par le biais d’interviews à mieux comprendre ce stade et au passage l’effet destructif du milieu carcéral. Ils nous donnent aussi quelques leviers pour aider les personnes à franchir le fossé entre le stade 1 et le stade 2.

Le stade 2, c’est « ma vie craint », qui est un progrès, car ces individus en observent d’autres pour lesquels elle ne craint pas ! L’espoir est possible, toutefois avec un langage centré sur le « je » et un échec imputé aux facteurs externes. Le comportement dominant est la passivité, voir l’apathie. Ils forment la horde des fameux désengagés ou activement désengagés des entreprises. Pour les auteurs, les valoriser et les faire mentorer par des individus du stade 3 sont parmi les issues possibles.

Le stade 3 abordé au chapitre 6 constitue près de la moitié des individus. En réalité, la presque totalité des structures politiques, économiques, et même l’éducation est tournée vers ce stade 3, et cela ne date pas d’hier. « ma vie est géniale » est ce qui décrit le mieux ce stade : celui de la réussite individuelle et de la compétition avec les autres, bref le monde des winners et de l’individualisme. Les auteurs qualifient ce stade de « far west » et le passage au stade 4 nécessite une révélation : c’est le sujet du chapitre 7. La révélation du stade 3, c’est que les accomplissements individuels ne sont pas grands et qu’aller au-delà nécessite d’y aller en équipe et d’abandonner le « je » : c’est un acte de foi.

Cette seconde partie se conclut sur un chapitre 8 consacré au stade 4 : celui où l’on passe du « je » au « nous ». C’est aussi l’objectif que les auteurs nous invitent à atteindre. L’accomplissement individuel s’efface au profit de l’accomplissement collectif. Il ne peut être atteint que lorsque l’on a dépassé le besoin de reconnaissance individuel.

La 3ème partie entre plus en profondeur dans le stade 4. Près de 90 pages sont consacrées aux 3 chapitres de cette partie. Elle débute par le chapitre 9 consacré aux valeurs (qui doivent venir du collectif) et à la « noble cause » qui doit guider la quête de cette équipe. Ce serait beaucoup dire que qualifier le propos d’original, mais il se lit bien. Le chapitre 10 est plus original, car il évoque les « triades », le moyen pour le leader de former une toile de relations au sein de l’équipe en servant d’entremetteur. C’est incontestablement un « take away ».

Cette troisième partie se referme sur la « tribal strategy », une navigation guidée par 3 pôles : les résultats, les avoirs et les comportements, avec comme épicentre, le noble cause et les valeurs. Le modèle est séduisant quoiqu’un peu abstrait tel qu’il est présenté. Sans doute nécessite-t-il d’être pratiqué pour une bonne appropriation.

La 4ème partie ne compte qu’un seul chapitre, d’ailleurs assez court, puisqu’il ne compte que 12 pages. Ce chapitre 12 est consacré au stade 5, résumé par « la vie est géniale ». Pour ces organisations, il n’y a plus de compétition, mais uniquement une noble cause que l’on poursuit sans relâche. Le texte manque un peu de substance, mais il se connecte très bien avec « l’entreprise altruiste » d’Isaac Getz que je recommande fortement sur ce sujet.

Le texte a acquis un statut de référence et c’est pour de bonnes raisons. Ce modèle est original et éclaire incontestablement des dynamiques d’organisation tout en donnant des clés pour progresser. Une lecture que je recommande fortement, appuyé par une mention « book of the year » !

Référence complète : Tribal Leadership – Dave Logan, John King & Halee Fischer-Wright – Harper Business 2008 – ISBN : 978 0 06 125130 6