Note : 8 ; L’épopée d’un dirigeant et de son entreprise pour retourner la pyramide managériale. Passionnant !
Cet ouvrage fait partie des classiques incontournables de « l’entreprise libérée ». On ne s’attendrait certainement pas à ce que cela vienne d’un chef d’entreprise indien ! Mais il apparait rapidement que le texte a bel et bien sa place parmi ces classiques.
La traduction française de cette édition augmentée compte 230 pages répartis en 6 chapitres. Elle est de plus illustrée par Etienne Appert qui n’en est pas à son coup d’essai. Toutes les illustrations ne sont pas heureuses mais le ratio de réussies est fort bon. Sans parler de processus, il y a une démarche que l’auteur à construit ou discerné au fur et à mesure de sa progression. C’est l’objet des 4 premiers chapitres. Le premier « miroir, mon beau miroir » compte une trentaine de pages. La démarche rappelle Joh, Kotter : provoquer le sentiment d’urgence. L’auteur provoque cela en conduisant l’ensemble des employés de HCL à regarder la situation sans concession aucune et à décider de là où ils veulent aller. Plus qu’une étape, Vineet Nayar nous comte cela sous l’angle personnel : sa démarche ses doutes et le tour du monde qu’il a entrepris pour rencontrer l’ensemble de son groupe ! L’objectif devient rapidement clair : se mettre au service de l chaine de valeur. Or ce sont les employés de première ligne qui servent la valeur au client, donc l’entreprise doit se mettre entièrement à leur service !
La seconde étape est la création de la confiance au travers de la transparence. L’auteur touche un point délicat, ce qu’il appelle le « quotient de confiance », et il s’appuie sur les 4 dimensions de la confiance de Maister (The trusted advisor) pour la mesurer : crédibilité, fiabilité, intimité et motivations personnelles. Et comme le titre du chapitre l’indique, pour l’auteur, la transparence marche main dans la main avec la confiance, d’abord pour permettre l’alignement sur les valeurs de l’entreprise et pour s’assurer de la sincérité de l’engagement des parties prenantes. C’est pour cela que Vineet Nayar a commencé par lui-même, puis l’exemplarité aidant, par son premier cercle de directeurs, puis… La création de cette relation de confiance l’a conduit vers une nouvelle étape : donner la priorité aux employés, les véritables créateurs de valeur, devant les clients !
L’inversion de la pyramide est au centre du chapitre 3. C’est la réflexion sur la « zone de création de valeur », soutenu par les idées développées par C. K. Prahalad dans « The fortune at the bottom of the pyramid », qui ont conduit l’auteur à la notion de responsabilité inversée. Ainsi, le pouvoir est donné aux zones de création de valeur au sein des services fonctionnels, les managers et les services transverses se mettant à leur service par le truchement du SSD (smart service desk). L’objectif étant de tendre vers le zéro dossier en améliorant le service aux zones de création de valeur. Le dernier pas étant la remise en cause des évaluations 360° par le « happy feet » de manière à substituer la notion de « sphère d’influence » à celle de zone de contrôle, une manière très différente pour le manager de considérer son rôle…
C’est à la redéfinition du rôle du dirigeant que s’attaque le chapitre 4. Il s’agit d’une suite logique aux transformations déjà entamées : Vineet Nayar doit cesser d’être l’épicentre de la transformation et d’apporter des réponses mais doit inviter les autres à répondre aux questions qui remontent vers lui, et même d’inverser la dynamique : partager ses questions et ses doutes pour que les employés eux-même y répondent ! Cette étape en entraine une nouvelle : passer de la satisfaction des employés à la passion, puis animer cette passion au travers de communauté. A partir de celles-ci, des initiatives de création de valeur concrétisées au travers d’un portail vont permettre de définir la stratégie de l’entreprise à partir des zones de création de valeur !
Avec le chapitre 4 se termine le narratif de la démarche EFCS, mais de nombreuses incompréhensions subsistent telles que : comment ne pas revenir en arrière dans les moments difficiles ? Pourquoi aurait-on besoin de cette approche alors que tout va bien ? etc. Le chapitre 5 est consacré aux réponses à ces objections / interrogations par l’auteur. Il le fait avec beaucoup d finesse et de pertinence, sans balayer ces inquiétudes d’un revers de main.
L’ouvrage dans son ensemble s’articule autour de la démarche personnelle de Vineet Nayer. Le dernier chapitre du livre, ajoutée à cette nouvelle édition est plus personnel encore. L’auteur y comte les évènements et enseignement personnels remontant à son enfance qui l’ont conduit vers cette démarche. Ce voyage initiatique l’a conduit à quitter sa société pour la fondation Sampark qu’il évoque malheureusement fort succinctement.
Ce livre n’est pas une recette sur la mise en place de l’EFCS. C’est l’histoire personnelle de l’auteur. Elle est inspirante et fait écho aux autres écrits sur l’entreprise libérée. La marche est haute pour s’inscrire dans la démarche de Vineet Nayar. Mais le texte mérite incontestablement d’être visité !
Référence complète : Les employés d’abord, les clients ensuite – Vineet Nayar – Diateino 2018 (V.O. : Employees first, Customers second ; Harvard Business Review Press 2011 ; ISBN: 978-1422143872) – ISBN: 978-2354563196
