Note de lecture : Leaders, Myths and Reality, par Stanley McChrystal

Note : 5 ; La nature du leadership explorée au travers de biographies.

J’ai adoré « Team of Teams » du même auteur, je ne me suis pas posé trop de questions concernant ce nouvel opus. La nature du leadership en contexte agile est une question récurrente dont les éclairages sont souvent brouillons voir questionnables. La perception de McChrystal dont la pertinence des analyses m’avait frappé m’intéressait particulièrement.

Comme nous le verrons, j’ai été plutôt déçu par ce texte, en partie sans doute parce que mes attentes étaient élevées, et en partie aussi par un espace trop important à mon goût accordé aux biographies, dont je doit aussi dire qu’elles s’avèrent tout à fait intéressantes.

Voyons de plus près cet opuscule. De format poche++, il compte environ 410 pages hors annexes et notes. La police est relativement petite et le texte étant consacré au narratif et donc peu illustré, il s’agit d’une lecture assez conséquente, mais heureusement bien écrite. Le texte compte 10 chapitres, dont 7 sont consacrés aux « biographies commentées » de leaders qui forment l’essence de l’ouvrage. Le premier chapitre, « Mythology » sert de (seconde) introduction au reste du texte sur une quinzaine de pages. Elle cherche à définir ce qu’est le leadership à la lumière de ces mythes, illustré par l’histoire, réelle ou contée de Georges Washington. L’auteur identifie 3 mythes : la « formule du leadership » qui prend la forme d’une check-list, le « mythe d’attribution » qui attribue au leader-superhéros les actions venant de son entourage, et le « mythe du résultat » qui transforme le leader-symbole en producteur de résultats venant de fait d’autres personnes.

Le second chapitre « the marble-man » est assez particulier car entièrement dédié à Robert Lee, le général en chef des armées confédérées. Les chapitres suivants se concentreront sur des typologies de leaders à chaque fois illustrés par deux personnages. Ce chapitre est le moins passionnant de l’ouvrage mais fort passionnant pour l’auteur car elle raisonne en partie avec sa propre histoire. Si le chapitre, dans la partie biographie, semble chanter les louanges du personnage de manière embarrassante, il conclut quand même sur la complexité du personnage : S’il fut un excellent stratège et que son intégrité morale l’a conduit à diriger les armées du sud, il n’en a pas moins trahi son pays pour défendre une cause indéfendable. S’il a acquis une aura au sein des deux factions en faisant un adversaire redoutable et redouté, le taux de mortalité de ses troupes excède celui des autres généraux sudistes. Ce chapitre illustre un leader dont le mythe excède de beaucoup la réalité du personnage.

Le chapitre 3 est consacré aux fondateurs, des leaders qui ont créé une entreprise les incarnant au-delà même de leur vie : Il s’agit de Walt Disney et Coco Chanel. Le choix n’est pas anodin et les parallèles nombreux : même incarnation du nom par le fondateur, même intransigeance envers le produit et la vision qu’il incarne (que l’on retrouvera chez Steve Jobs), et finalement même lacune à être un véritable dirigeant bienveillant envers ses employés. Ils nous enseignent toutefois une posture où le produit est plus important que les personnes, et au-delà du produit (qui n’est qu’un véhicule), une vision ou un style de vie qu’ils défendent de manière intransigeante. Et cela suffit pour qu’ils soient suivis contre vents et marées malgré leurs lacunes.

Le chapitre 4 évoque les génies. Si le choix d’Albert Einstein est évident, celui de Léonard Bernstein est plus étonnant et ne m’a d’ailleurs toujours pas convaincu. Ici, il s’agit bien de deux personnalités, deux approches différentes, l’un introverti et l’autre extraverti. Tous deux peuvent être appréhendés de la même manière : « l’un d’entre-nous, mais au-dessus de nous ». Nimbé de son aura, Einstein n’a jamais cessé de correspondre avec ses pairs qui lui ont aussi permis de faire progresser ses thèses. Ainsi tous deux sont restés hautement accessibles malgré leur réputation, contribuant à leur attrait en tant que leaders.

Au chapitre 5, l’auteur aborde les fanatiques ! Le choix est coloré : d’un côté Maximilien Robespierre et de l’autre Abu Musab Al-Zarqawi (que l’auteur a personnellement combattu en Irak) ! Si l’un est résolument dans l’action, Al-Zarqawi participant aux actions, défiant les Américains en voyageant de cellule en cellule, l’autre est uniquement dans l’inspiration, s’isolant, publiant et haranguant sans pratiquement participer à de quelconques actions durant la révolution. Il est aisé (et juste) de s’offusquer de ces personnages. L’auteur sait ne pas s’arrêter là et reconnaitre comment leur extrémisme sans compromission génère de l’engouement, au moins pendant un temps limité.

Le chapitre 6 est consacré aux héros. Le casting est improbable : Harriet Tubman et Zheng He. Le second nous est inconnu, car il s’agit d’un Chinois d’origine Mongole du moyen-âge, esclave et eunuque ( !) qui deviendra amiral de l’empereur (et mourut de sa belle mort, une performance pour l’époque). Harriet Tubman elle, n’a peut-être pas l’étoffe d’un héros, mais ses nombreux voyages à travers les lignes sudistes pour libérer des esclaves (étant elle-même une esclave échappée) l’ui ont conféré une aura particulière dépassant de loin ses exploits. C’est la marque des héros d’exister au travers du regards de leur suiveur et d’être le fruit d’une époque.

Les « power brokers » décrits au chapitre 7 sont plus ambivalents. William Magear Tweed, politicien hautement corrompu du 19ème siècle à New-York a construit tout un système de corruption reposant sur lui mais s’appuyant sur des échelons successifs. S’il apparait com un personnage central et puissant, c’est que le système dans lequel il s’inscrivait l’a permis. Mais il a suffi d’un grain de sable pour précipiter sa chute. Margaret Thatcher n’a jamais dévié de sa ligne directrice, mais les grands changements impulsés sous son gouvernement n’ont pu voir le jour par elle seule. Comme pour William Tweed, l’action a reposé sur un cercle restreint de fidèles, c’est le délitement de ce cercle qui a mis fin à son troisième gouvernement.

Pour les réformateurs, l’auteur à choisi Martin Luther et Martin Luther King Jr. Ce chapitre est particulièrement long, mais les enseignements qu’il propose sont peu transposables. Chacun a pris la tête d’un mouvement qu’il n’avait initialement pas l’intention de mener et qui s’est avéré bien plus difficile qu’initialement prévu. Les mouvements qu’ils ont dirigés se sont transformés en prenant de l’ampleur et sans pour autant se transformer, la posture de ces leader a glissé du meneur vers l’inspirateur.

Pour conclure, l’auteur nous propose de redéfinir le leadership. Plutôt que voir le leader au point de départ, McChrystal le voit plutôt comme la composante d’un triptyque qui inclut aussi les suiveur et le contexte. On pourrait ainsi dire que le leader existe car c’est la personne correspondant au contexte et souhaitée par ses suiveurs… au bon moment ! Ce même leader n’aurait pas émergé comme tel dans d’autres conditions (et l’inverse est sans doute vrai).

Finalement je suis mitigé sur ce livre, mais plutôt car il correspond peu à mes attentes. Les narratifs sont bien écrits, mais ce n’est pas mon centre d’intérêt. Les analyses sont pertinentes, mais réduites à la portion congrue.

Référence complète : Leaders, Myths and Reality – Stanley McChrystal – Penguin Business 2018 – ISBN: 978 0 241 33634 2

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